A la porte de la Chapelle, à Paris, le “nouveau QG” des usagers de crack

Des dizaines de personnes attendent, assises le long d’un muret, sous l’échangeur autoroutier de la porte de la Chapelle, à Paris. En ce lundi matin glacial de janvier, les usagers de crack attendent l’ouverture de l’aire de repos à la frontière du 18e arrondissement. Ils peuvent y dormir, prendre leur petit-déjeuner, une boisson chaude et une douche, laver leur linge ou être accompagnés dans leurs démarches administratives.

Le lieu, cogéré par les associations Aurore et Gaïa-Paris, a ouvert ses portes en 2019, après l’évacuation de la “colline du crack”, à quelques mètres de là. Mais c’est depuis le démantèlement par les forces de l’ordre du camp de la place Forceval, près de la porte de la Villette, le 5 octobre 2022, qu’il connaît sa plus grande affluence. Jusque-là, la quinzaine de salariés sur place accueillait entre 80 et 100 personnes par jour. Depuis, les compteurs ont approché les 300 visiteurs. “On retrouve ici tous les gens qu’on a vus à Forcevalassure un consommateur. C’est devenu le nouveau QG. »

A l’intérieur de cette “Villette 2”, il est techniquement interdit de fumer ou de dealer. Beaucoup outrepassent cette règle avec plus ou moins de discrétion. Sur le trottoir dehors, les crack cakes – un dérivé de la cocaïne coupé à l’ammoniac et très addictif, qui brûle sur un filtre au bout d’une pipe (ou doseur) – sont fumés à la vue de tous. Il y a toutes les nationalités et tous les âges. La majorité a entre 25 et 44 ans, selon l’âge qu’ils donnent à l’accueil et qui n’est pas vérifié, tout comme leur nom. Leurs parcours sont multiples, mais toujours marqués par un événement traumatisant : la mort d’un proche, un licenciement, un divorce, une migration.

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Dans les conversations, on parle de ce qu’on a traversé pour en arriver là, des moments où on a frôlé la mort, des galères de la nuit dans la rue. Et surtout de la drogue. Le caillou remplace l’ennui dans ces vies souvent sans emploi. Cela aide à oublier les problèmes. “Je consomme beaucoup car la vie est trop dure”, respire Ibrahim (les consommateurs nommés uniquement par leur prénom ont demandé l’anonymat), distributeur d’occasion à la main et casquette des Los Angeles Lakers sur la tête. Ce Guinéen, arrivé en France il y a huit ans, vit désormais dans un refuge à Paris. “On ne veut pas non plus de cette vie. On n’a pas traversé plusieurs pays pour s’asseoir sur un muret et fumer du crack toute la journée. Mais on arrive dans un pays qu’on ne connaît pas, où on ne peut pas travailler : forcément , les gens tombent dedans “explique le trentenaire.

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