Provence ne vivra pas sa « Remontada ». Le nom de code imaginé par la nouvelle direction du groupe de presse marseillais pour sa stratégie de relance n’a finalement pas été retenu. Exit la métaphore footballistique, place désormais à “Winning Mistral”, le plan qui vise, selon le nouveau directeur général, Gabriel d’Harcourt, à donner quotidiennement « sa position de premier média régional de France ».
Racheté en octobre 2022 par l’armateur CMA CGM, après un duel épique avec Xavier Niel (actionnaire individuel de la Monde), Provence attaquer une pente difficile. Fin décembre, le groupe, qui, sans sa filiale Corse-Matin, compte près de 600 salariés, affiche un déficit d’exploitation de 12 millions d’euros. A la même date, le titre était au 16e place des quotidiens de presse régionale, avec 68 818 exemplaires vendus. Une baisse de 6,2 % en un an, alors qu’en 2018, le journal frôle encore les 100 000 exemplaires.
Cinq mois après le rachat par le géant du transport maritime dirigé par Rodolphe Saadé, les troupes tardent à sentir le mistral du renouveau. En décembre 2022, la nomination de David Blanchard à la tête de la rédaction, en remplacement de Guilhem Ricavy, démissionnaire, constitue un premier faux départ. Avant même d’entrer en fonction, le rédacteur en chef du quotidien gratuit 20 minutes a été impliqué dans une enquête du site d’information Marsactu par trois anciens collègues l’accusant de “comportement toxique ou inapproprié”. David Blanchard nie les accusations portées contre lui, mais la direction du journal a renoncé à le recruter.
Difficile négociation sur les salaires
Près d’un mois plus tard, c’est la négociation annuelle obligatoire des salaires qui enflamme la rédaction. La nouvelle direction propose une augmentation de 2,5%, alors que Rodolphe Saadé s’était engagé devant le tribunal de commerce pour une revalorisation “au plus fort de l’inflation”.
Le 24 janvier, lors d’un vote organisé par les syndicats, 92% des journalistes – 145 électeurs sur 185 inscrits – réclament une augmentation “compenser l’inflation 2022”, soit 5,2 %. Trois jours plus tard, une vingtaine d’employés s’invitent même dans le bureau du directeur général pour faire entendre leurs revendications. En vain. Si les syndicats attendent toujours la proposition finale, son montant “reste à 2,5 %”assume M. d’Harcourt. “En l’état, nous ne signerons pas”, les organisations répondent.
La pilule passe d’autant plus mal que la CMA CGM a officialisé un bénéfice record pour la France de 23,5 milliards d’euros en 2022. Et que l’armateur rachète pour 53 millions d’euros, un chiffre révélé par Nouvelles parutions, Grand Central, le bâtiment de 8 500 mètres carrés, qui abritera – mi-2024 – les équipes de Provence au centre de Marseille. “M. Saadé a beaucoup d’argent, mais il n’investit pas dans le capital humain. Il est venu nous chercher à un moment où il avait besoin de nous pour gagner contre M. Niel. Aujourd’hui, la rédaction se sent trahie », rappelle la déléguée du SNJ Sophie Manelli, qui a pourtant défendu l’option CMA CGM.
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