Baby-Crispr : la modification du génome de l’embryon se heurte à des obstacles techniques

Une décennie après son arrivée dans les laboratoires, l’outil d’édition du génome Crispr-Cas9 alimente toujours une révolution scientifique et médicale et continue de soulever des questions éthiques insondables. En témoignent les 3e Sommet international sur l’édition du génome humain, tenu à Londres, du 6 au 9 mars. Ce fut l’occasion d’entendre le témoignage émouvant de l’Américaine Victoria Gray, première patiente à avoir bénéficié d’une thérapie génique pour la drépanocytose. Et de revenir sur les débats soulevés lors des deux premiers sommets.

Fin 2015, à Washington, les travaux d’une équipe chinoise avaient agité la communauté scientifique. Ils avaient mené une expérience sur des embryons humains visant à modifier le gène responsable de la bêta-thalassémie, une forme d’anémie d’origine génétique. La précision de Crispr-Cas9, parfois décrite comme “chirurgicale”, avait été mise en défaut, l’outil ne modifiant qu’une faible proportion des embryons, et induisant des modifications indésirables “hors cible” – les embryons en question n’étaient pas destinés à aboutir à une grossesse.

En novembre 2018, à Hong Kong, le deuxième sommet a été le théâtre d’un retentissant scandale, avec l’annonce, la veille de son ouverture, par le biologiste chinois He Jiankui, de la naissance très récente de jumelles dont le patrimoine génétique avait été modifié. avec Crispr-Cas9 pour leur donner une résistance à l’infection par le VIH. Tollé international ! He Jiankiu, condamné à trois ans de prison par les autorités chinoises, a été libéré en avril 2022. Sa première prise de parole publique, en février 2023, a été un non-événement, le scientifique refusant d’évoquer son travail ou son sort. de Lulu et Nana, les deux petites filles.

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Lors du sommet de Londres, il n’y a pas eu de scandale, mais un approfondissement des questions sur les dernières avancées thérapeutiques – faisabilité, coût, financement… – et sur l’équité d’accès pour les patients. D’un point de vue éthique, la modification des gamètes et des embryons, qui ouvrent la transmission de ces caractéristiques à la génération suivante, alimente les craintes d’eugénisme et reste au cœur des débats.

Modifications indésirables

Pour l’heure interdite dans la grande majorité des pays – dont la France, au titre de la Convention d’Oviedo – l’avènement du “baby-Crispr”, attendu ou redouté selon les options philosophiques de chacun, se heurte à des écueils techniques encore inéluctables. Cela a été rappelé par plusieurs personnalités majeures du domaine, dont Shoukhrat Mitalipov (Université de l’Oregon). Son équipe a, en effet, publié dans NatureCommunicationsle 7 mars, une étude montrant que les techniques d’amplification de l’ADN destinées à s’assurer qu’une modification génétique a bien eu lieu dans un embryon peuvent induire des artefacts trompeurs : “On ne sait pas si la suppression attendue [perte d’un fragment d’ADN] est réel ou non”, il expliqua. De plus, ses analyses suggèrent que l’édition du génome des embryons peut s’accompagner de modifications indésirables et délétères de leur ADN autour de la cible ciblée par Crispr-Cas9.

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