La colère se répand en Grèce. Des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans la rue mercredi 8 mars. A Athènes, au moins 40 000 personnes ont défilé en milieu de journée, selon une porte-parole de la police, alors qu’elles étaient 15 000 à Thessalonique, deuxième ville du pays. Certains appellent désormais à la démission du gouvernement après la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts.
Le pays est aussi quasiment à l’arrêt : aucune liaison maritime n’est assurée entre le continent et les îles, et les trains sont restés en gare pour le huitième jour consécutif. Les employés de la fonction publique ont débrayé pendant 24 heures à l’appel de la confédération du secteur, tout comme les enseignants du primaire, les médecins et les chauffeurs de bus et de métro, rejoints en cortège par les étudiants.
De nombreux Grecs expriment leur amertume face à ce qu’ils considèrent comme un déclin des services publics depuis les plans d’austérité imposés par les créanciers de la Grèce pour sortir le pays du marasme. La gestion de l’accident par le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a été jugée calamiteuse par les manifestants qui ont appelé à la démission de son gouvernement.
“Ce n’est pas un accident, c’est de la politique”
“Ce gouvernement doit partir”assure Niki Siouta, un ingénieur civil de 54 ans, rencontré par l’Agence France-Presse dans l’une des manifestations de la capitale. “Je suis ici pour rendre hommage aux morts mais aussi pour exprimer ma colère et ma frustration”a-t-elle ajouté alors que la vétusté du réseau ferroviaire, propriété de l’Etat, et les carences du système de sécurité étaient particulièrement pointées du doigt pour expliquer ce drame qui bouleverse tout le pays.
“Ce n’est pas un accident, c’est de la politique”a également proclamé un tract de l’Union des élèves d’Athènes. “C’est ce même gouvernement qui ne donne pas d’argent pour l’éducation et pour les hôpitaux”s’est également indigné Thanassis Oikonomou, un représentant syndical de la compagnie de bus d’Athènes.
Sans qu’aucune alerte ne soit déclenchée, deux trains, l’un voyageur, l’autre fret, ont parcouru plusieurs kilomètres sur la même voie avant de se heurter de plein fouet le 28 février vers 22h30 (heure française), à Tempé, près de la commune de Larissa. , à 350 kilomètres au nord de la capitale. Étant donné que ce que les autorités ont décrit comme “tragédie nationale”les Grecs tiennent leurs dirigeants pour responsables.
Les parents se sont effondrés, le pays bouleversé
A Athènes où plusieurs défilés, certains marqués par la violence, ont déjà eu lieu depuis l’accident du train, on pouvait lire sur des banderoles : “Appelez-moi quand vous arrivez”. Ce slogan, qui fait référence au message que les parents grecs envoient habituellement à leurs enfants, s’est répandu dans les rassemblements et les cours d’école.
Dimanche, à Athènes et à Thessalonique, de violents heurts ont opposé policiers et manifestants en marge d’un rassemblement de 12 000 personnes. De nombreuses victimes étaient des jeunes et des étudiants. Ces derniers jours, les images de parents effondrés enterrant leur enfant, souvent diffusées en direct par les chaînes de télévision, ont contribué à bouleverser un peu plus le pays.
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Le chef du gouvernement, qui affronte des élections législatives au printemps, est consterné d’avoir quelques heures après la catastrophe assuré qu’il était“une tragique erreur humaine”. Pourtant, les syndicats des cheminots ont rappelé avec colère avoir tiré la sonnette d’alarme sur les graves défaillances techniques de cette ligne bien avant le drame, sans avoir été entendus. Tout en promettant une indemnisation aux familles des victimes, le ministre des Transports, Giorgos Gerepetridis, a admis que l’accident aurait pu être évité si l’installation du “le système complet de gestion à distance a été achevé”.
Le chef de gare de Larissa, qui a reconnu sa responsabilité dans l’accident, a été placé en garde à vue. Selon des médias grecs, des poursuites devraient être engagées dans les prochains jours contre d’autres responsables du réseau ferroviaire.
Contrit, le Premier ministre a demandé dimanche, pardon aux familles des victimes, un mea culpa jugé très tardif pour beaucoup. Il a également demandé l’aide de l’Union européenne, qui a dépêché mercredi à Athènes le directeur exécutif de l’agence ferroviaire européenne ERA, Josef Doppelbauer, et d’autres experts. La colère s’adresse également à la compagnie ferroviaire Hellenic Train, qui a répondu aux accusations en rappelant que la responsabilité de l’entretien du réseau incombait à l’entreprise publique grecque OSE.