Des travaux menés par des chercheurs de l’Inserm montrent qu’une exposition postnatale au chlordécone réduit le QI des enfants de 0,64 point pour un doublement du niveau d’exposition.
Dans une étude publiée lundi, une équipe de chercheurs internationaux, dont certains sont rattachés à l’Inserm, a enquêté sur les effets d’une exposition pré- et postnatale au chlordécone sur les capacités cognitives et comportementales d’enfants antillais.
Le chlordécone est un insecticide, utilisé aux Antilles de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, un insecte qui ravage les cultures. Mais par son utilisation massive, le produit toxique a progressivement contaminé les sols et les rivières des Antilles. A tel point que les populations ont été à leur tour empoisonnées, en consommant des aliments contaminés.
Au total, 576 enfants guadeloupéens ont participé à l’étude. Les “travaux montrent que cette exposition est associée à des scores plus faibles aux tests d’évaluation des capacités cognitives et des troubles du comportement”, indique l’Inserm dans un communiqué.
Une étude menée sur 576 enfants
Le chlordécone est désormais reconnu comme un perturbateur endocrinien, neurotoxique, toxique pour la reproduction et le développement, et aussi cancérigène, souligne l’Inserm. Des études antérieures chez l’animal avaient montré que l’exposition des femelles au pesticide entraînait des “troubles neurocomportementaux et d’apprentissage dans la portée”.
Cette nouvelle étude montre cette fois les ravages du chlordécone chez les enfants exposés en bas âge, même dans le ventre de leur mère. Pour évaluer leur contamination, la concentration de chlordécone dans le sang du cordon ombilical, ainsi que dans le sang d’enfants de 7 ans, a été mesurée. Quant aux capacités intellectuelles, elles ont été mesurées via la compréhension verbale des enfants, leur vitesse de traitement de l’information, leur mémoire de travail et leur raisonnement perceptif.
Les mères ont également été interrogées pour savoir si elles mesuraient des difficultés de comportement chez leurs enfants.
Des résultats spectaculaires
Les résultats sont alarmants. Ils rapportent une augmentation de 3 % des difficultés comportementales dites intériorisées, comme les difficultés émotionnelles ou relationnelles chez les enfants étudiés, en très grande majorité chez les filles.
Même constat dramatique pour les capacités intellectuelles des enfants : “diminution de 0,64 point de QI pour un doublement du niveau d’exposition”, rapporte l’Inserm. Avant d’ajouter : “Cela se traduit, notamment chez les garçons, par une diminution des indices évaluant le raisonnement perceptif, la mémoire de travail et la compréhension verbale”.
L’Inserm conclut dans son communiqué que “l’exposition au chlordécone pendant les périodes de développement in utero ou pendant l’enfance est associée à une diminution des capacités intellectuelles et à une augmentation des difficultés comportementales”.
Une enquête close sans suite
En janvier dernier, le parquet de Paris avait signé une ordonnance de non-lieu dans le cadre de l’enquête sur l’empoisonnement à grande échelle des Antilles françaises au chlordécone.
Les deux magistrats instructeurs avaient reconnu un “scandale sanitaire”, ainsi qu’une “atteinte à l’environnement dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pendant de longues années la vie quotidienne des habitants”. Cependant, ils avaient avancé la difficulté de recueillir des preuves.