Avancées technologiques pour la santé des femmes, diffusion plus large des causes féministes, mais aussi censure et biais algorithmiques… La tech profite-t-elle vraiment aux femmes ?
Internet et les nouvelles technologies révolutionnent-ils les droits des femmes ? Difficile d’être exhaustif, tant les innovations sont nombreuses. Alors que les usages de l’intelligence artificielle foisonnent dans le domaine de la santé, certains d’entre eux promettent d’améliorer la santé des femmes. C’est le cas des avancées dans la détection précoce des cancers, notamment ceux du sein.
Plus récemment, de nombreuses start-up sont entrées sur le créneau « FemTech » (abréviation de « women » et « technology »). Ces solutions technologiques visent à couvrir les différents aspects de la santé des femmes, dont certains sont encore trop tabous : ménopause, santé reproductive, bien-être et santé sexuelle, post-partum… En France, 81 startups sont recensées dans le domaine, selon la première cartographie réalisée fin 2022 par l’association Femtech France.
Censure et exploitation des données personnelles
Alors, ça va ? Pas si vite. Des affaires récentes impliquant des géants de la technologie montrent que les droits des femmes, en ligne et hors ligne, sont encore largement bafoués.
Alors que les États-Unis ont révoqué le droit à l’avortement, une Américaine de 17 ans a été poursuivie en août dernier pour avoir interrompu sa grossesse dans le Nebraska après 23 semaines. Ces accusations ont été portées après l’examen de ses conversations privées transmises par Facebook aux autorités.
Toujours en août, le réseau social a également limité l’accès à une publication du Michigan Planned Parenthood. Il a critiqué la promotion des pilules abortives alors que l’avortement reste légal dans cet Etat. Alors que Google a annoncé en juillet dernier la suppression des données de recherche et de localisation relatives à l’avortement, de nouvelles analyses réalisées en décembre ont montré que le moteur de recherche stocke encore largement ces données.
En France, Facebook a aussi permis la diffusion de centaines de publicités anti-avortement depuis la plateforme IVG.net, contre plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Le design de la tech, encore loin de la parité
Le réseau social, régulièrement critiqué sur le sujet, assume une politique de modération à géométrie variable. En 2019, Facebook a censuré une campagne contre le cancer du sein en Australie à cause de la “nudité”.
La modération, largement automatisée chez les géants de la tech, renvoie aux différents biais des algorithmes et autres systèmes d’intelligence artificielle… Et donc à ceux qui les pensent et les conçoivent. Le design de la tech reste une affaire d’hommes. Au 30 juin 2022, seuls 37% des salariés étaient des femmes chez Meta, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, selon ses derniers résultats financiers annuels.
Même constat chez Google, qui a réussi à imposer la plupart de ses produits – de son moteur de recherche à sa plateforme vidéo YouTube – et façonne donc l’usage d’Internet. Seuls 37,5 % des employés étaient des femmes, selon son rapport 2022 sur le genre et la diversité.
Le numérique, un outil d’émancipation des causes féministes ?
“Depuis plus d’une décennie, le web est devenu un vivier d’explosion de féminismes appartenant à plusieurs courants”, écrit la sociologue Josiane Jouët dans son livre “Numuelle, féminisme et société” paru en 2022. Elle a notamment étudié la militante dynamique sur les principales plateformes (Twitter, Facebook, Instagram, YouTube) entre l’automne 2017 et l’automne 2021.
“Souvent qualifiées de néo-féminisme et critiquées pour être essentiellement un activisme de communication, ces pratiques s’inscrivent pourtant dans l’historicité du féminisme, et s’articulent dans des luttes concrètes dans l’espace physique”, souligne-t-elle.
Il y a notamment eu un avant et un après #MeToo. Apparu sur Internet en 2017, ce hashtag fait suite aux révélations de l’affaire Harvey Weinstein, un réalisateur accusé de harcèlement et d’agressions sexuelles par plusieurs actrices.