Comment les abeilles apprennent à danser

Depuis trois décennies, la zoologie a subi deux chocs. La première concerne ce qu’on appelle « la caractéristique de l’homme ». Avec un résultat clair : plus les chercheurs fouillent, plus ils tempèrent le caractère exceptionnel de notre espèce. La seconde concerne l’éternel débat entre l’inné et l’acquis. Pendant longtemps, les humains ont pensé que les (autres) animaux fonctionnaient par instinct. Tout était dans leurs gènes, une fois pour toutes, pensions-nous. L’apprentissage ne pouvait porter que sur des comportements simples, un changement d’alimentation imposé par exemple. Et bien non ! Comme nous, les animaux apprennent, transmettent des savoirs, des savoir-faire et des goûts. Et le champ de ces acquis sociaux, de ces « apprentissages culturels », dit-on aussi, ne cesse de s’élargir.

Un article paru jeudi 9 mars dans la revue Science le démontre de manière éclatante dans l’un des comportements les plus emblématiques des insectes sociaux : la danse des abeilles. Rappelons le principe. Lorsqu’un explorateur découvre une source de nourriture, il retourne à la ruche pour annoncer sa découverte. Le parcours en forme de huit, accompagné de frétillements qu’elle exécute ensuite, n’a cependant pas pour but de célébrer la bonne nouvelle, comme un footballeur après un but. L’orientation, la durée, la vitesse des déplacements renseignent ses congénères sur la direction à prendre, la distance à parcourir et la qualité du festin à attendre. Cerise sur le nid d’abeille, elle peut déposer une goutte de nectar pour aider ses amis à mieux choisir les fleurs.

Un vrai langage symbolique sorti d’un si petit cerveau : pour accepter un tel choc, les humains ont depuis longtemps avancé une explication. Tout cela était inné, inscrit dès la naissance. N’est-ce pas l’Autrichien Karl von Frisch qui l’a affirmé, en marge de son incroyable description du phénomène qui lui a valu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1973 ? « En réalité, nous étions aveuglés par le dogme, dit Lars Chittka, de l’Université Queen Mary de Londres, un chef de file dans la discipline. Ils ont eu le courage de se remettre en question. »

Observer les anciens

Il s’agit de quatre chercheurs du Jardin botanique de Kunming (Chine) et de l’Université de Californie à San Diego (UCSD). Ils ont créé des colonies composées exclusivement de jeunes abeilles et ont comparé leur comportement à celui des colonies classiques, dans lesquelles les âges varient. Dans les secondes, les juvéniles découvrent la danse en observant leurs aînés, puis s’y risquent. Dans le premier cas, ils agissent par instinct.

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