Regardez bien la photo qui accompagne cet article. Contrairement à leur apparence, ces deux papillons sont très différents. Démophon d’Erato Et Rosine Melpomène a divergé il y a onze millions d’années, à peu près au moment où notre destin a divergé de celui de l’orang-outan. Mais contrairement à nous et à nos lointains cousins primates, après une période de cinq millions d’années d’écart, les deux insectes ont évolué de manière convergente, aboutissant à ces deux bandes rouges et jaunes sur les ailes noires. Dans la revue Science En date du 10 mars, une équipe internationale est allée chercher le génome des deux bêtes et quelques autres Lépidoptères proches. Elle rapporte des résultats assez étonnants.
Genre Heliconius est bien connu des amateurs de papillons. Depuis Linné et surtout les grands naturalistes du XIXe sièclee siècle (Darwin, Bates, Müller…), la variété de couleurs et de motifs que ses quarante-huit espèces et leurs centaines de sous-espèces arborent sur leurs ailes ravissent les scientifiques. Variété mais aussi similarité dans des espèces pourtant très éloignées. Mieux : deux sous-espèces de deux espèces différentes, comme c’est le cas ici (l’espèce Érato Et Melpomènesous-espèce démophon Et rosine) peuvent présenter un phénotype beaucoup plus proche que deux sous-espèces différentes au sein de la même espèce.
Les chercheurs pensaient connaître la raison de cette évolution convergente : la couleur des ailes (noir, jaune, rouge) est portée par trois gènes. Car, même si ces deux espèces présentent généralement de grandes différences dans leur génome, ces trois éléments, eux, paraissent identiques. L’étude publiée dans Science relativise sérieusement cette proximité : certes, les gènes sont identiques, mais leur profil d’expression est complètement différent.
Deux techniques d’enquête de pointe
Pour le démontrer, les chercheurs ont combiné deux techniques d’enquête de pointe. Le premier, baptisé ATAC-Seq, permet de déterminer des zones du génome susceptibles d’héberger des promoteurs des fameux gènes de couleur des ailes. Situé loin d’eux – environ deux mille bases – ces sortes d’interrupteurs ne codent pas pour les protéines qui donneront le rouge, le jaune ou le noir, mais ils régulent l’expression des trois gènes dans les tissus. Maintenant, dans les deux papillons, l’équipe a vu apparaître différentes zones. C’était la première fois que cette technique était utilisée dans ce type d’étude.
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