Députés et sénateurs cherchent un accord sur le projet de loi qui révolte la grande distribution

Après l’avoir successivement remanié, députés et sénateurs vont tenter de s’entendre sur le projet de loi Descrozaille, combattu par la grande distribution qui évoque une “loi inflationniste”.

La grande distribution crie au “scandale inflationniste”, mais le projet de loi Descrozaille poursuit son chemin législatif. Porté par des députés de la majorité présidentielle, malgré les réticences du gouvernement, ce projet de loi entend modifier le rapport de force dans les négociations commerciales annuelles entre distributeurs et industriels de l’agroalimentaire, en donnant plus de poids à ces derniers – un projet de loi qui a mis le feu aux poudre au milieu d’une période d’inflation.

Le texte a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale mi-janvier puis également par le Sénat un mois plus tard. Députés et sénateurs vont tenter de s’accorder sur une version commune du texte à partir de ce mercredi 8 mars en commission mixte. Car chaque chambre a successivement révisé le projet de loi, ajustant certaines mesures et en ajoutant d’autres, et les deux versions du texte ne se ressemblent plus vraiment. En particulier le très décrié article 3.

• Que propose le projet de loi Descrozaille ?

Chaque année, en début d’année, les prix des produits alimentaires sont durement négociés avant d’arriver dans les rayons : l’objectif premier du projet de loi est de rééquilibrer ces négociations commerciales entre industriels et distributeurs. C’est le troisième article qui a provoqué un tollé de la grande distribution : en cas de non accord à l’issue des discussions, ce seraient les tarifs réclamés par les fabricants qui seraient appliqués par défaut et les distributeurs seraient ainsi contraints d’accepter les hausses de prix demandées par leurs fournisseurs.

Le projet de loi comporte d’autres dispositions, comme la prolongation de l’expérimentation sur l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte (qui oblige les distributeurs à vendre des produits alimentaires avec une marge minimale), mesures prévues par la loi Egalim qui expire le Le 15 avril, laissant aux parlementaires le soin de définir la date d’expiration de cette expérimentation. Le projet de loi propose également d’appliquer la loi française aux grands groupements d’achat implantés hors de France par des distributeurs.

• Ce que l’Assemblée nationale a changé

Sans surprise, l’article 3 a cristallisé le débat à l’Assemblée nationale. En commission des affaires économiques, les députés ont ajouté une période de transition d’un mois, sous l’égide d’un médiateur, pour trouver un terrain d’entente. Nouveau tournant inattendu lors de l’examen en session : le député Frédéric Descrozaille a lui-même transformé sa mesure, désormais éprouvée depuis deux ans : en cas d’échec des négociations au bout de trois mois, malgré une médiation qui inclurait le ministère de l’Économie, les relations commerciales seraient résilié sans aucune obligation de livraison.

D’autres mesures, absentes dans la version initiale du texte, ont également été ajoutées par les députés, notamment le plafonnement des pénalités logistiques infligées par un distributeur à son fournisseur à 2 % de la valeur des produits. Les eurodéputés fixent également 2026 comme la fin de l’expérimentation sur l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte.

• Ce que le Sénat a changé

Une première mesure symbolique prise par le Sénat : les sénateurs ont changé le nom officiel du projet de loi, désormais appelé “proposition visant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs”. Quant à l’article 3, il a lui aussi été retravaillé par les sénateurs après les précédentes modifications apportées lors de son passage à l’Assemblée nationale. En cas de désaccord, une médiation préalable serait désormais obligatoire avant de saisir le tribunal, afin de limiter les déremboursements et les livraisons à perte.

L’expérimentation de l’encadrement des promotions et du seuil de revente à perte a également été prolongée jusqu’en 2026, confirmant la date fixée par les députés, mais les sénateurs ont modifié le texte pour exclure les fruits et légumes frais de ces dispositifs. . Par ailleurs, le texte adopté par le Sénat propose de sanctuariser les matières premières agricoles dans les négociations concernant les produits vendus sous marque de distributeur (MDD), et non plus uniquement pour ceux vendus sous marque nationale. Les pénalités logistiques ont également été un peu plus renforcées.

• Quel texte sera finalement soumis au vote ?

Le texte arrive en commission mixte paritaire (CMP) ce mercredi 8 mars. Cette procédure législative consiste à réunir sept députés et sept sénateurs pour établir une version commune d’un projet de loi, après deux lectures du texte par chaque assemblée – ou une lecture unique si le gouvernement a préalablement engagé la procédure accélérée, comme c’est le cas pour le projet de loi Descrozaille. S’ils parviennent à s’accorder sur une version commune, le texte sera voté par les deux chambres ; sinon, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.

Malgré quelques aménagements, députés et sénateurs se retrouvent peu ou prou sur les mesures relatives aux sanctions logistiques ou aux centrales d’achat à l’étranger. Encadrement des promotions, seuil de revente à perte ou sanctuarisation des matières premières agricoles ne devraient pas non plus déchirer les deux chambres. Le véritable cœur des discussions sera l’article 3, comme il l’est depuis le début du processus législatif, d’autant plus qu’il y aura une forte pression pour réviser cette mesure. Sans oublier le nom officiel de la loi, les deux assemblées n’ayant pas proposé la même.

Jérémy Bruno Journaliste BFM TV

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