Des singes bousculent l’archéologie en manipulant des cailloux

Des chimpanzés qui cassent des noix avec des pierres en Afrique de l’Ouest, des capucins qui cassent des pierres au Brésil, des macaques qui martèlent des crustacés pour en extraire la moelle substantielle en Thaïlande ou qui produisent aussi des éclats évoquant des pierres taillées… C’était inévitable. A force d’observer des cultures chez les petits et grands singes qu’ils définissent comme des innovations comportementales transmises entre générations, les primatologues ne pouvaient que s’interroger sur l’origine de celles-ci. Et construisez des ponts avec leurs collègues archéologues, expérimentés dans l’étude des artefacts anciens.

Un chimpanzé porte des noix de Coula edulis, qu'il va casser avec la pierre qu'il transporte, dans le parc national de Taï (Côte d'Ivoire), en février 2009.

Ainsi est née, il y a un peu plus de vingt ans, une nouvelle thématique scientifique, l’« archéologie des primates non humains », à la frontière de plusieurs disciplines qu’elle contribue à irriguer. en leur apportant de nouvelles idées et terrains de jeux. Mais aussi en posant des questions sur l’interprétation de certains sites archéologiques. C’est encore le cas dans un article publié le 10 mars dans Avancées scientifiques décrivant comment les macaques thaïlandais produisent accidentellement des éclats en cassant des noix “presque impossible à distinguer” les plus anciens ayant été produits intentionnellement par nos ancêtres.

Le primatologue Christophe Boesch (Institut Max-Planck d’anthropologie évolutive, Leipzig) est l’un des pionniers de cette approche transdisciplinaire. Depuis des décennies, il étudie les chimpanzés de la forêt de Taï, en Côte d’Ivoire, et notamment la manière dont ils transmettent l’utilisation d’outils de pierre pour casser différentes noix, “y compris ceux de panda, les plus durs”. Il a mis en évidence la dimension culturelle de ces pratiques en notant notamment que les chimpanzés à l’est d’une rivière traversant cette forêt n’utilisent pas ces outils de pierre, alors que le matériel lithique y est tout aussi disponible qu’à l’ouest. « Le fleuve trace comme une frontière culturelle »note le primatologue.

“J’ai alors essayé de voir s’il était possible de trouver des galets anciens dans cette forêt humide, pour déterminer si les chimpanzés utilisaient les mêmes techniques dans le passé”, il dit. Au début des années 2000, il contacte le préhistorien Julio Mercader (Université de Calgary) en vue d’une fouille archéologique dans la forêt de Taï. “C’était compliqué la première année, car le radar censé détecter des pierres dans le sol renvoyait de faux signaux et quand on creusait, on tombait sur des poches d’eau”, il se souvient.

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