La presse brésilienne révélait début mars qu’en octobre 2021, Jair Bolsonaro, alors président du Brésil, avait cherché à faire entrer dans le pays de somptueux bijoux offerts par le prince héritier saoudien et ce, sans déclaration aux douanes.
Certes, Jair Bolsonaro n’a pas bougé de son lieu d’exil volontaire en Floride depuis son arrivée le 30 décembre, deux jours avant la passation de pouvoir de son successeur à la présidence du Brésil, Lula. Mais il ne quitte pas l’actualité politico-judiciaire de son pays.
Déjà poursuivi pour son rôle hypothétique dans la tentative de putsch menée le 8 janvier par ses partisans contre les institutions à Brasilia, l’ancien chef de l’exécutif fait face à un nouveau soupçon, comme nous l’apprend mercredi le correspondant. de Monde. La presse nationale l’accuse d’avoir tenté de ramener au Brésil de somptueux bijoux qui lui étaient destinés – ainsi qu’à son épouse – Mohamed ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite. Et ce, dans le dos des douaniers. Puis, la tentative ayant échoué, d’avoir fait pression (toujours en vain) sur eux pour récupérer le cadeau.
Pire encore, les observateurs et acteurs de la vie publique brésilienne se demandent si la générosité saoudienne n’a pas influencé la politique économique et étrangère du pays.
Les bijoux saisis
Tel est, en quelques lignes, le contenu de l’affaire révélée le 3 mars par le journal Estadao. Cependant, il remonte à octobre 2021.
Le ministre des Mines et de l’Énergie – également amiral dans la flotte brésilienne -, Bento Albuquerque, a ensuite été envoyé à Riyad pour représenter le Brésil au sommet “Green Middle East”, dont le vaste programme consistait à faire connaître les mesures écologiques affichées par le Royaume.
L’amiral revient le 26 octobre à l’aéroport international de Garulhos à Sao Paulo. Il porte dans son sac une boîte remplie de diamants. Il y a une paire de boucles d’oreilles, un collier, une bague. Manque de chance pour le fraudeur : les douaniers mettent la main sur le tout. Cela pose un problème immédiat puisque tout bien ramené de l’étranger dont la valeur est supérieure à 1000 dollars (soit 930 euros) doit être déclaré en amont. Il aurait donc fallu déclarer la boîte. Et pour cause : il s’élève à trois millions d’euros, rapporte Le monde. Les bijoux, griffés Chopard, sont donc saisis.
L’objectif de cette volonté de dissimulation est évident. Il s’agissait pour Jair Bolsonaro d’éviter de payer la moitié de la valeur du produit en droits de douane, ou de devoir le confier au Trésor Public.
Tentatives de récupération
En tout cas, la probité des douaniers a suscité l’ire de celui qui était encore président du Brésil à l’époque. Ses émissaires se sont même rendus plusieurs fois à l’aéroport au cours des mois suivants – jusqu’à trois jours avant l’expiration de son mandat – pour les attendrir et récupérer les grisbi. Ceux-ci refusent.
Jair Bolsonaro était en revanche en possession d’un (petit) lot de consolation, comme l’a également découvert la presse brésilienne. Il avait d’autres bijoux, évalués cette fois à 70 000 euros, et qui étaient entre-temps passés à l’as. Devant la bronca médiatique, et les menaces judiciaires, il les a finalement renvoyées.
Passer du soupçon à la certitude
Cette restitution n’éteint pas l’action de la justice. La police fédérale, la Cour des comptes et le parquet se sont emparés du dossier. Jair Bolsonaro est même visé par deux enquêtes distinctes, précise ici TF1. Les parlementaires poussent pour l’ouverture d’une commission d’enquête.
Au Brésil, on est aussi sceptique sur le désintéressement de tels cadeaux de la dynastie saoudienne. Surtout compte tenu de la cordialité de Jair Bolsonaro à l’égard de Mohamed Ben Salmane alors que ce dernier était acculé sur la scène internationale à cause des violations des droits de l’homme commises par la monarchie et du meurtre du journaliste Jamal Kashoggi.
Le doute se nourrit d’éléments plus tangibles. Le triplement des importations en provenance d’Arabie saoudite entre 2019 et 2022 – qui ont atteint 5 milliards d’euros – et la vente à un prix dérisoire par Petrobras d’une raffinerie à un fonds d’investissement à Dubaï, un émirat proche de l’Arabie saoudite et pas seulement géographiquement. Autant de transactions qui peuvent alourdir les yeux des cadeaux du prince, et leur donner des airs de backchich. Le mondequi recensait ces accords, cite un haut fonctionnaire proche du dossier : “Trois millions d’euros, c’est une somme tout à fait inhabituelle pour un cadeau entre chefs d’Etat”.
Il appartient désormais aux tribunaux de lever les soupçons pour dégager certaines certitudes.