Contraint par la justice américaine de reconnaître un scandale international de corruption et de payer une amende de 1 milliard de dollars (environ 950 millions d’euros) aux États-Unis, Ericsson est confronté, le 6 décembre 2019, à l’une des plus graves crises de son histoire. ” En colère “ par ces “erreurs du passé”le PDG de l’équipementier télécoms suédois, Börje Ekholm, s’engage alors, dans un communiqué, à faire évoluer les mentalités en interne pour inciter ses salariés à ” parler ” Et “gérer des problèmes”.
La haute direction d’Ericsson a été alertée à juste titre, dans les jours qui ont suivi, d’un grand ” problème ” : une enquête interne, finalisée le 11 décembre 2019, a mis en lumière des dérives importantes dans la branche irakienne du groupe. Corruption, conflits d’intérêts, transactions douteuses et surtout fortes suspicions de financement indirect de groupes terroristes sont évoquées, sur une période s’étendant de 2011 à 2019.
Sur la base des derniers documents issus des enquêtes de la justice américaine et des éléments tirés de l’enquête “The Ericsson List”, menée en partenariat avec le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ), Le monde est en mesure de raconter comment l’entreprise, enfermée dans une spirale de mensonges, a tenté de saboter le travail de la justice.
Première série de scandales
Au cours des années 2010, le département américain de la justice (DOJ) a enquêté, au titre de l’extraterritorialité du droit américain, sur des cas de corruption impliquant le groupe dans plusieurs pays. Ce principe, à la frontière entre une arme anti-corruption et un levier économique, peut s’appliquer dès qu’il est possible de lier d’une manière ou d’une autre l’activité de l’entreprise aux États-Unis – chose aisée dans le cas d’Ericsson, qui y est établi.
Les enquêtes se concentrent sur les actions d’Ericsson dans cinq pays : la Chine, le Vietnam, l’Indonésie, le Koweït et Djibouti. Les schémas de corruption identifiés consistent à soudoyer des dirigeants pour remporter des marchés publics, en puisant dans des caisses noires. En Chine, par exemple, Ericsson a distribué des dizaines de millions de dollars de cadeaux pour décrocher des contrats. A Djibouti, il a versé plus de deux millions de dollars de pots-de-vin aux autorités locales en échange d’un contrat relatif au déploiement du réseau mobile 3G, d’un montant d’environ 20 millions de dollars.
Ce dossier a conduit à la signature d’un accord entre le DOJ et Ericsson en décembre 2019 : l’entreprise a reconnu les faits de corruption et accepté une amende de 1 milliard de dollars en échange du gel des poursuites. L’accord prévoit également des obligations de transparence : le groupe télécom doit coopérer pleinement avec les autorités américaines, notamment en leur transmettant « toute preuve ou allégation ainsi que toute enquête interne ou externe dont l’entreprise a connaissance ».
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