Sensation de saturation, d’incapacité à réfléchir ou à prendre une décision… Tout le monde a connu une fatigue mentale, qui peut survenir après un effort intellectuel intense et prolongé. Petit à petit, les travaux scientifiques lèvent le voile sur les mécanismes de cette forme de fatigue, dont il a été démontré qu’elle diminuait les performances cognitives et physiques.
Dans une étude publiée en août 2022 dans Biologie actuelle, Mathias Pessiglione, neuroscientifique à l’Institut du Cerveau (ICM, Paris), et ses collègues ont ainsi mis en évidence, grâce à des volontaires sains soumis à des tâches cognitives exigeantes pendant plus de six heures, une accumulation d’un neurotransmetteur, le glutamate, dans le cortex préfrontal latéral ( CPFL). Les chercheurs émettent l’hypothèse que la fatigue mentale correspond à une difficulté à recruter le système de contrôle exécutif, qui s’appuie sur cette région du cerveau.
En utilisant le même protocole d’induction de la fatigue mentale, l’équipe de l’ICM cherche maintenant à développer un “décodeur de fatigue”, dans le cadre d’un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). ” Sur l’électroencéphalogramme (EEG), la fatigue mentale se traduit par une augmentation des ondes de basse fréquence dans le CPFL. Le défi est maintenant de passer d’un appareil sophistiqué avec 128 électrodes à un EEG portable et peu coûteux avec des capteurs situés au-dessus du CPFL », explique Mathias Pessiglione.
Il envisage notamment une application dans les dépressions résistantes, où la fatigue mentale est l’un des symptômes les plus fréquents et les moins bien soulagés par les antidépresseurs conventionnels. ” Un décodeur de fatigue pourrait aider à prédire l’efficacité des traitements et personnaliser les soins “, il espère.
L’utilisation du smartphone en test
A Dijon, l’équipe de Romuald Lepers (Inserm U1093, Université de Bourgogne) étudie plus spécifiquement la fatigue mentale induite par l’utilisation prolongée du smartphone. Dans le cadre d’un projet financé par l’ANR, ces chercheurs ont recruté une population d’étudiants, et les ont soumis à trois types de tests pendant quarante-cinq minutes : consulter les réseaux sociaux ou jouer à des jeux vidéo sur leur téléphone. ; regarder un film émotionnellement neutre ; effectuer une tâche exigeante sur le plan cognitif (test de Stroop). Leur fatigue mentale a ensuite été mesurée subjectivement, par des échelles visuelles analogiques, puis objectivement, par un EEG (recherche des ondes alpha et thêta lentes) et des tâches comportementales évaluant le temps de réaction.
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