je‘expression récurrente de l’inquiétude de la Cour des comptes sur la trajectoire des finances publiques est un chiffre imposé avec lequel la République s’est accommodée depuis le dernier exercice d’équilibre budgétaire, il y a près de cinquante ans. Son caractère répétitif n’enlève rien à sa pertinence, il souligne seulement que ce n’est pas en ignorant les sujets qu’ils finissent par se résoudre. Bien au contraire : la situation a tendance à s’aggraver, jusqu’à devenir incontrôlable.
Le rapport annuel de l’institution, rendu public le vendredi 10 mars, marque une nouvelle étape dans cet exercice bien rôdé. Le gouvernement, l’opposition et l’opinion publique auraient cependant tort de prendre l’alerte comme un simple avertissement sur la dérive de nos déficits.
Entre la fin du “quoi qu’il en coûte”, qui prend l’allure d’une ligne d’horizon qui s’éloigne au fur et à mesure que l’on avance, de nouvelles dépenses qui s’amoncellent au gré des défis auxquels doit faire face le pays, des baisses d’impôts loin d’être toujours justifiées, un ralentissement conjoncture économique et d’inflation élevée, la voie de la consolidation budgétaire ne semble toujours pas tracée.
Lorsque la Cour des comptes affirme que “La dette de la France devient très problématique”, C’est un euphémisme. Même lorsque les dépenses exceptionnelles, liées au Covid-19 et à la protection des ménages contre les effets de l’inflation, sont exclues des calculs, les vannes budgétaires restent grandes ouvertes, faisant monter inexorablement le montant de notre dette. Celui-ci devrait atteindre 111% du PIB cette année, tandis que le déficit devrait stagner à 5%, comme en 2022.
Le problème avec ces chiffres, c’est que les Français ont fini par s’y habituer. Le pays vit dans une bulle où ses besoins seraient plus légitimes que ceux de ses voisins et justifieraient des écarts budgétaires que ces derniers n’osent pas se permettre. L’argument consistant à se cacher derrière l’excuse d’une série de crises sans précédent ne tient pas la route. Dans des circonstances identiques, la France fait moins bien que la plupart de ses partenaires de la zone euro. Tous sont en ordre de marche pour ramener leur déficit sous la barre des 3 % du PIB en 2025. Pour la France, ce sera deux ans plus tard. Et là encore, compte tenu de la hausse des dépenses publiques prévue pour 2023, qui s’écarte déjà de la trajectoire promise, l’objectif est à ce stade de l’incantation.
Leadership affaibli
Le “quoi qu’il en coûte” a rendu inaudible le discours sur le budget sérieux. Rares sont ceux qui, du gouvernement à l’opposition, de droite comme de gauche, osent en profiter. Il est symptomatique que, faute de majorité pour voter en sa faveur, la France ne dispose toujours pas d’une loi de programmation des finances publiques, sorte de feuille de route pour atteindre les 3 % de déficit en 2027.
Il ne s’agit pas de participer à une compétition de vertu budgétaire. Mais ce retard de la France affaiblit considérablement son leadership européen ainsi que sa capacité à peser sur les négociations sur les règles budgétaires communes qui s’appliqueront en 2024, après avoir été suspendues pendant la crise pandémique.
Au-delà de cette dimension continentale, la France doit impérativement retrouver des marges de manœuvre budgétaires, alors que la liste des dépenses essentielles ne cesse de s’allonger, qu’il s’agisse de la transition énergétique, de l’éducation, de la santé ou de la défense. Loin d’être un « diktat » imposé de l’extérieur, l’endettement maîtrisé est un outil essentiel pour assurer notre souveraineté.