L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité, mercredi 8 mars, un projet de loi visant à relancer les procédures d’action collective devant les tribunaux, permettant aux consommateurs de se mobiliser contre les pratiques commerciales contestées. Il prend le relais d’un premier dispositif lancé en 2014 dont les résultats sont jugés ” décevant “.
Initié par les députés du Puy-de-Dôme Laurence Vichnievsky (MoDem) et de la Manche Philippe Gosselin (Les Républicains), ce texte transpartisan a été adopté en première lecture et sera transmis au Sénat. En partie inspiré de recours collectifs aux États-Unis, la class action française, lancée par la loi Hamon de 2014, permet aux consommateurs victimes d’un même dommage de la part d’un professionnel de se regrouper et d’agir en justice au sein d’associations agréées.
Initialement limité au droit de la consommation, son champ d’application a été étendu en 2016 à la santé, l’environnement, la protection des données personnelles, la lutte contre les discriminations, puis en 2018 aux litiges relatifs à la location immobilière. .
“Échec relatif” de l’appareil jusqu’à présent
Mais les députés s’accordent sur le “peu de succès” du dispositif jusqu’à présent, à des années-lumière des procédures spectaculaires aux États-Unis. Selon le projet de loi, seuls « trente-deux recours collectifs ont été intentés en France depuis 2014 », contre certaines pratiques d’opérateurs téléphoniques, de banques, de bailleurs immobiliers ou de groupes automobiles. Et “seulement six procédures ont eu un résultat positif”comme un accord à l’amiable en 2017 entre UFC-Que-Choisir et Free, qui indemnisait ses abonnés pour les bugs dans l’utilisation de la 3G.
Ouvrant les débats, le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot, a apporté son soutien au projet de loi, reconnaissant « échec relatif » de l’action de groupe jusqu’à présent.
Les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, respectivement ancien magistrat et avocat, avaient déjà effectué une mission d’information sur le sujet. Leur texte vise à simplifier l’accès à cette procédure avec un régime juridique unique et des délais plus courts. La portée de ces recours collectifs deviendrait “presque universel”selon les deux parlementaires.
Tentative du gouvernement d’affaiblir le texte
Tous les dommages, qu’ils soient corporels, matériels ou moraux, seraient donc indemnisables. Leur projet de loi prévoit d’étendre le nombre d’associations pouvant initier de telles actions : elles ne sont que seize à être agréées aujourd’hui. Aussi, une cinquantaine de personnes pouvaient désormais créer une association ” ad hoc “ pour lancer la procédure. Ce seuil était de 100 personnes avant la séance, mais les députés l’ont abaissé par des amendements de nombreux camps.
Le gouvernement a tenté en vain de réduire la portée du texte sur certains points. En matière de droit du travail, par exemple, l’exécutif a plaidé en vain pour limiter l’action collective à la seule discrimination. Jean-Noël Barrot a évoqué, sous les protestations de plusieurs parlementaires, une “petite alerte”LE “Risque de dépouiller les prud’hommes de pans entiers du contentieux” ou de circonscrire le rôle des syndicats.
Même réserve sur la santé, où l’exécutif s’inquiète d’une ” risque “ pour les professionnels de la santé et espère une réécriture du texte lors de la navette parlementaire. Le projet de loi permet également de réduire le coût de la procédure pour les plaignants, avec la possibilité donnée au juge d’imposer à l’Etat tout ou partie de l’avance des frais, si “l’action intentée présente un caractère grave”.
Pas de “dérives américaines”
Enfin, il crée une nouvelle sanction pécuniaire civile à la charge des tribunaux, versée au Trésor public en cas de « faute commise délibérément en vue d’obtenir un gain ou une économie indu ». Avec un plafond pouvant aller jusqu’à 3% du chiffre d’affaires d’une entreprise fautive.
Le texte a reçu le soutien de tous les groupes, même si la gauche a demandé des moyens pour le mettre en œuvre.
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Laurence Vichnievsky réclame une facture de “rééquilibrage” plus favorable aux consommateurs. Mais elle ne veut pas tomber dans “Dérives américaines”avec des avocats qui vont parfois “un peu à la pêche aux plaignants” pour démarrer une entreprise. Pour s’en prémunir, le texte ne s’agrandit pas “l’initiative” recours collectifs aux avocats seuls, même s’ils auront “toute leur place” pendant la procédure.
Dans un avis, la Défenseuse des droits, Claire Hédon, avait salué la “avancé” du texte, en proposant “améliorations”comme le “Création d’un fonds pour financer les recours collectifs en matière de discrimination”.