“La baisse du coût du travail est devenue la pierre angulaire des politiques économiques et sociales françaises”

jee sujet central de la réforme des retraites est en effet celui du travail. Les mobilisations et les sondages montrent que la grande majorité des travailleurs est contre l’idée de devoir travailler deux ans de plus. Car le travail est devenu de plus en plus dur, intense, dénué de sens pour la plupart des salariés. Cette dégradation du rapport au travail est directement liée aux politiques économiques et aux stratégies des entreprises françaises visant à lutter contre le coût du travail.

Toutes ces stratégies reposent sur une idée martelée en France depuis les années 1980 : le chômage et la faible compétitivité des entreprises françaises sont dus à des coûts salariaux trop élevés, dus notamment à un État-providence lui-même trop cher, aux cotisations sociales qui financent elle représente près de la moitié de la masse salariale. Or, à coût de main-d’œuvre équivalent ou supérieur, les Allemands ou les Suédois, parce qu’ils ont pu investir dans la qualification et la qualité des emplois, parviennent à produire et à exporter des produits et services de meilleure qualité ou plus innovants, qu’ils n’en vendent pour plus que le nôtre.

Le manque de compétitivité de l’économie française est principalement lié à son positionnement dans le milieu de gamme : nous sommes trop chers pour ce que nous produisons. Mais plutôt que de chercher à améliorer la qualité de nos productions, à monter en gamme, la France a préféré produire la même chose avec moins de personnel, en faisant la chasse aux coûts et en intensifiant le travail.

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Depuis le début des années 1980, nombre d’articles d’économistes et de rapports soulignent le poids trop élevé du coût du travail. En 1987, les employeurs ont lancé “la bataille des charges”, pour dénoncer le poids excessif des cotisations sociales, expliquant ainsi la réticence à embaucher et la faible compétitivité des entreprises françaises. C’est en 1993 que débutent à la fois la litanie des réformes des retraites, mais aussi les plans généraux de réduction des cotisations sociales.

Faible efficacité

Edouard Balladur, alors Premier ministre, a voulu limiter la hausse prévisible des retraites avec sa réforme de juillet 1993, et réduire le coût du travail pour les entreprises avec, en décembre 1993, la « loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle », dont la principale mesure est la réduction d’une partie des cotisations sociales patronales sur les bas salaires (entre 1 et 1,2 SMIC).

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Depuis lors, la baisse du coût du travail est devenue la pierre angulaire des politiques économiques françaises, à la fois pour réduire le chômage et pour accroître la compétitivité des entreprises. Des mesures Juppé à celles liées aux 35 heures, des allègements Fillon au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, devenu définitif en 2016, les allégements se sont progressivement étendus à la fois à davantage de cotisations sociales (presque toutes au niveau de la SMIC, où ne subsistent que les cotisations retraite complémentaire et chômage), et à davantage de salariés, jusqu’à porter désormais sur 3,5 SMIC. En 2021, le montant total des exonérations a atteint 73,8 milliards d’euros : la France est devenue le champion européen des aides aux entreprises.

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