L’accélération du nucléaire, une facture technique devenue très politique

Ce devait être un texte éminemment technique, visant à simplifier les procédures administratives pour faciliter la construction de nouveaux réacteurs sur les sites des centrales existantes. Objectif : gagner du temps pour pouvoir lancer les travaux préalables au « premier béton » de nouvelles tranches avant la fin du second quinquennat d’Emmanuel Macron, en 2027. Mais depuis le début de son examen, le projet de loi d’accélération nucléaire, qui arrive à l’Assemblée nationale le lundi 13 mars, a pris une tournure très politique.

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Le Sénat, avant de l’adopter en première lecture le 24 janvier, l’a largement amendé. Dans le cadre de leur commission des affaires économiques, achevée dans la nuit du 6 au 7 mars, les députés ont bien entendu supprimé plusieurs amendements du sénateur (Les Républicains) des Vosges, Daniel Gremillet, rapporteur du texte. Mais il en reste deux.

Première mesure symbolique : supprimer l’objectif, inscrit dans la loi depuis 2015 et le quinquennat de François Hollande, de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production électrique française (d’ici 2035, et non plus 2025, pour une révision en 2019). Cette part était encore de 63 % en 2022, malgré une année historiquement faible pour les réacteurs. Une deuxième disposition prévoit la suppression de la limite fixée, également depuis 2015, de 63 gigawatts de puissance pour le parc nucléaire français. En l’état actuel, cette limite est la seule contrainte précise, puisque l’objectif de réduction du nucléaire à 50 % ne relève d’aucune valeur de référence.

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Si le sénateur Gremillet n’avait pas émis ces deux amendements, la députée des Hauts-de-Seine, Maud Bregeon (Renaissance), rapporteur du texte à l’Assemblée, aurait envisagé de les offrir elle-même, explique-t-elle au Monde : « Ces deux suppressions permettent d’envoyer un message politique fort pour assumer la relance du nucléaire, il faut saisir la balle et ne pas s’excuser d’être pro-nucléaire. »

Réforme majeure de la gouvernance

Les opposants à l’atome reprochent au gouvernement de ne pas avoir respecté le calendrier. Car ces amendements anticipent des débats de fond plutôt attendus pour le second semestre, en vue de la première loi de programmation sur l’énergie et le climat. “Ces dispositions (…) n’ont rien à voir avec un texte technique relatif à l’accélération des procédures dites “administratives” »estime la députée écologiste de Loire-Atlantique Julie Laernoes.

Autre motif de tension, le projet de loi prévoit désormais une réforme majeure de la gouvernance de la sûreté, avec l’absorption par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), désormais chargée du contrôle et de la décision, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) , établissement public chargé de l’expertise et de la recherche. L’annonce de cette fusion totalement inattendue a été faite à la suite du conseil de politique nucléaire du 3 février, c’est-à-dire après l’examen du projet de loi par le Sénat. Le gouvernement a alors présenté deux amendements, adoptés en commission, qui prévoient l’extension du champ de compétence de l’ASN et le transfert des contrats de travail des agents de l’IRSN à l’ASN.

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