Il ne regrette ni son geste ni les sermons qui ont suivi. “J’ai dit que je le ferais, je l’ai fait. », suppose Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Ce jeudi 16 mars, un peu après 15 heures, Elisabeth Borne s’adresse aux parlementaires pour faire adopter, sans vote, via le recours au 49.3, la très impopulaire réforme des retraites, qu’elle s’était pourtant jurée d’éviter. Le temps ne dépend plus de vous. Après dépouillement et recomptage des voix, un scrutin est jugé trop risqué. “On ne peut pas parier sur l’avenir de nos retraites”, explique le Premier ministre sous les huées de l’opposition. Pour Erwan Balanant, c’est trop. Il part, suivi d’une poignée de collègues pourtant membres, comme lui, de la majorité présidentielle.
« Ce n’était pas un geste d’humour, mais le fruit d’une profonde réflexion sur notre démocratie. Je ne crois pas que ce soit avec un coup de 49.3 qu’on répondra aux questions que se posent les français », lâche le secrétaire général adjoint du MoDem, parti de François Bayrou, allié de la première heure d’Emmanuel Macron.
Au lendemain du coup de tonnerre ressenti au Palais-Bourbon, une profonde amertume s’est fait jour au sein du camp présidentiel. Qu’ils soient membres du MoDem, d’Horizons, du parti d’Edouard Philippe et même de Renaissance, celui du chef de l’Etat, les élus ne digèrent pas le coup de force. “Les députés ont un goût amer dans la gorge”atteste Laurent Marcangeli, le chef de file des députés Horizons. “Pour les parlementaires qui se sont battus pendant des semaines sur ce texte, c’est évidemment une frustration”, souligne Aurore Bergé, son homologue à Renaissance, qui souligne que près de 100 % des députés du parti présidentiel étaient prêts à aller voter, quitte à le perdre. Porte-parole de ces élus, le député des Yvelines a défendu jusqu’à la dernière minute devant Emmanuel Macron l’idée d’un scrutin, persuadé qu’au bout du compte, les élus du parti Les Républicains (LR) qui manquait pour atteindre la majorité, se serait rallié, soucieux de rester cohérent avec l’ADN de la droite.
“Nous ne sommes peut-être pas tous d’accord avec le président”
« Mettre les députés LR devant leurs responsabilités ? C’est mal de les connaître.” soupire Eric Woerth, député Renaissance de l’Oise et ancien LR. « Nous idéalisons le monde. Évidemment, il valait mieux aller au vote. C’est pourquoi le président a attendu. Mais la question est simple : quel est l’intérêt du pays ? Cet intérêt néglige les contingences. Il n’était pas possible que le RN [Rassemblement national] et LFI [La France insoumise] s’enorgueillir du cadavre d’une réforme mort-née »défend le questeur de l’Assemblée, parmi les rares à avoir accepté de bon gré 49.3. “Nous ne sommes peut-être pas tous d’accord avec le président”glisse Jean-Paul Mattei, président du groupe MoDem, assurant que “si on a perdu, la réforme n’était pas terminée, on a repris contact avec les partenaires sociaux et on a proposé autre chose”.
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