CONTREComment un huissier peut-il faire exécuter une décision de justice si le condamné a disparu et que seul son notaire connaît sa nouvelle adresse mais qu’il refuse de la communiquer, au nom du secret professionnel ? « Si l’huissier – devenu « commissaire de justice » le 1euh juillet 2022 – a sa date et son lieu de naissance, il peut obtenir cette adresse, auprès des administrations »indique Me Marie-Christine Gette-Pene, présidente du syndicat des commissaires de justice de France, précisant que cela résulte des dispositions de la loi Bouteille du 22 décembre 2010. “Sinon, il ne peut rien faire, le notaire n’ayant pas – ce qui est incompréhensible – l’obligation de lui répondre”, commee rappelle le cas suivant.
En 2016, M.moi X, propriétaire d’un bien immobilier dans l’Essonne, conclut, devant son notaire, un compromis de vente avec un acquéreur, Mmoi Y, qui ne bouge pas, mais qui est représenté par Me N, notaire exerçant à Argentan (Orne). En 2017, le compromis est devenu nul et non avenu, faute pour l’acquéreur d’avoir réuni les fonds nécessaires. Ce dernier refusant de payer l’astreinte prévue, de 15 000 euros, Mmoi X doit l’attribuer. Le 4 mai 2018, elle obtient sa condamnation.
Hélas, lorsque l’huissier se présente au domicile de M.moi Y, pour lui signifier le jugement, il découvre qu’elle a déménagé sans laisser d’adresse. Il demande ses nouvelles coordonnées à M.e N, qui s’oppose au secret professionnel prévu par la loi du 25 ventôse an XI. Ce texte précise que le notaire ne peut délivrer des informations à des tiers sans y avoir été autorisé. « par ordonnance du président du tribunal de grande instance » (devenu « tribunal judiciaire »).
Autorité judiciaire
Mmoi X doit donc saisir à nouveau le tribunal pour obtenir cette ordonnance. Furieuse de ce nouveau retard, elle convoque le notaire au tribunal d’Argentan, afin qu’il la dédommage. Le 5 novembre 2020, M.e N est condamné à lui verser 500 euros. Le tribunal l’accuse d’avoir “obstrué” à l’exécution du jugement. Il affirme que le secret professionnel n’aurait pas dû l’exempter “de révéler à l’autorité judiciaire qui [a requis] l’adresse d’un client… indispensable à l’exécution d’une décision de justice ».
Me N se pourvoit en cassation, et son avocat, Me Jean de Salve de Bruneton, rappelle que « Bien qu’il soit tenu d’exécuter les décisions de justice, l’huissier de justice n’est pas une autorité judiciaire ». Le notaire ne pouvait donc lui communiquer l’adresse litigieuse sans y avoir été préalablement autorisé par le président du tribunal, ce que la Cour de cassation a reconnu, le 21 janvier (2023, 20-23.679).
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