JJ’avais lu, comme beaucoup, les articles sur les mises en examen depuis novembre 2020 de producteurs, réalisateurs et acteurs de l’industrie pornographique française, dont celui du créateur du site Jacquie et Michel, mis en cause pour viol, complicité de viol et traite des êtres humains les êtres en bande organisée ou le proxénétisme.
Quelques mois plus tard, des femmes racisées, les plus déterminées parmi les plaignantes, ont voulu me rencontrer pour me demander d’écrire un texte sur les violences raciales qu’elles avaient subies. Une rencontre a lieu.
Le porno est un business très lucratif, dont les produits sont facilement accessibles, simplement en étant visibles sur son téléphone portable ou diffusés par des chaînes privées françaises bien connues. En effet, dans les années 2000, l’affichage sur le Net a fait décoller les sites pornographiques et, à partir de 2006, les vidéos sont accessibles gratuitement et en permanence grâce au streaming.
La production française est l’une des plus importantes au monde, et les entreprises, grâce aux sociétés offshore et aux résidences dans les paradis fiscaux, font des profits énormes. Le directeur de WGCZ, l’un des leaders mondiaux du porno en ligne, est français. Il possède deux des plateformes les plus visitées XVideos et Xnxx (6 milliards de vues quotidiennes sur le site français Traffic Factory !) et est ainsi devenu milliardaire. Mais ce qui nous intéresse ici, ce sont les millions amassés sur le racisme structurel de cette industrie.
Nostalgie coloniale sur les corps racisés
Le racisme anti-noir, anti-arabe, anti-asiatique qui se déploie dans ces films s’inscrit dans une généalogie de l’esclavage et de la violence coloniale. Leurs images se superposent en effet à des images de torture sous l’esclavage et le colonialisme. Historiquement, le corps féminin noir était capital et son appropriation sous l’esclavage autorisait le maître à exercer la torture sexuelle en toute impunité, et le corps féminin colonisé était aussi animalisé et sexualisé.
Le recrutement explicitement raciste et l’organisation de plateformes par catégories racisées promettant des actes de torture sont des symptômes du racisme et du sexisme structurel qui existent dans un pays au long passé colonial, où les violences négrophobes et islamophobes ont été analysées et démontrées. . L’utilisation prédatrice du corps des femmes et le recours à des codes immédiatement reconnaissables (chaînes d’esclavage, décors orientalistes, vocabulaire haineux du colon) s’additionnent, et de manière clairement formulée, à tout un ressentiment à l’égard des femmes appartenant par leur origine à des pays qui se sont libérés de la France. Il faut “les remettre à leur place”, leur rappeler par le viol et la torture qui est le maître. La nostalgie coloniale peut ainsi s’exprimer concrètement sur des corps racisés.
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