Le Sénat, dominé par la droite, a adopté samedi 11 mars, tard dans la soirée, le projet de réforme des retraites par 195 voix pour, et 112 contre. Ce vote a eu lieu le jour de la septième journée de mobilisation contre le texte, qui a été marquée par une forte baisse du nombre de manifestants. Elle était très attendue par le gouvernement et lui permet de donner une légitimité parlementaire à sa réforme très contestée, et de donner une impulsion à son adoption définitive.
“Une étape importante a été franchie ce soir avec un large vote sur le texte de la réforme des retraites au Sénat”a immédiatement accueilli Elisabeth Borne, à l’Agence France-Presse. “Malgré les tentatives d’obstruction de certains groupes, le débat démocratique s’est tenu”a salué le Premier ministre. “Je suis sûr qu’il y a une majorité au Parlement pour voter ce texte”, a-t-elle assuré, alors qu’un vote beaucoup plus serré est annoncé à l’Assemblée nationale.
Dès vendredi, le gouvernement avait déployé les grands moyens pour accélérer et assurer la tenue d’un vote au Sénat, en tirant l’article 44.3 de la Constitution. Cette dernière rend possible un vote unique sur l’ensemble du projet de loi, sans mettre aux voix les amendements auxquels le gouvernement est défavorable.
“Enfin, nous y sommes ! »s’est exclamé le patron des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, qui a renoncé samedi après-midi à présenter son amendement emblématique, qui demandait de supprimer les régimes spéciaux bénéficiant à certaines catégories de travailleurs, y compris pour les salariés actuels.
M. Retailleau a demandé au ministre du Travail, Olivier Dussopt, d’adresser un message au président Emmanuel Macron : « Nous votons pour la réforme, mais nous ne votons pas [pour] lui. » A gauche, la sénatrice socialiste Monique Lubin, elle, a fustigé une réforme ” brutal “. “C’est un jour noir pour tous les salariés de ce pays”, a-t-elle déploré. Le Sénat “a joué son rôle” et avait pour seul but “l’intérêt du pays et celui des Français”au contraire, a estimé son président, Gérard Larcher (LR).
C’est l’heure du vote final jeudi ?
L’exécutif espère voir la réforme définitivement adoptée après un parcours parlementaire chaotique. Les négociations pour l’après-Sénat ont déjà commencé dans les coulisses et vont battre leur plein mercredi à partir de 9 heures du matin en commission paritaire paritaire (CMP), réunissant sept députés, sept sénateurs, et autant de suppléants dans un huis clos de la Palais-Bourbon. L’objectif du CMP est de parvenir à un compromis sur les mesures que l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont pas votées dans les mêmes termes.
Cependant, les députés, face à l’obstruction d’une partie de la gauche, n’ont pas pu venir à bout en février de l’examen de la réforme, et ne l’ont pas adoptée. Cela signifie que la discussion de mercredi sera large, même si le cœur du texte, la baisse de l’âge de départ de 62 à 64 ans, ne bougera pas. Elle sera aussi au centre d’une nouvelle journée de mobilisation des opposants.
Présidentiel et camp de droite ont la main au CMP, avec respectivement cinq et quatre titulaires chacun, dont Olivier Marleix, patron des députés LR.
Dans le meilleur des scénarios pour l’exécutif, si députés et sénateurs parviennent à un accord en CMP, celui-ci devra être validé jeudi 16 mars à partir de 9 heures au Sénat, puis à 15 heures à l’Assemblée nationale. Ce dernier vote, s’il est positif, vaudra adoption définitive par le Parlement.
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Mais l’exécutif compte et recompte ses troupes au Palais-Bourbon, ainsi que les voix LR sur lesquelles il peut compter, à défaut de majorité absolue pour les macronistes. D’autant que certains d’entre eux hésitent, comme l’ancienne ministre Barbara Pompili qui ne veut pas voter la réforme, malgré le risque d’être exclu du groupe Renaissance.
Évitez l’utilisation de 49.3
La Première ministre Elisabeth Borne cherche cependant à éviter un 49.3, qui permet d’adopter un texte sans vote. Le recours à cet outil constitutionnel serait “incroyable et dangereux” et constituerait “une forme de vice démocratique”met d’ailleurs en garde, dans un entretien avec Journal du dimanche le 12 mars, le leader de la CGT, Laurent Berger, qui a réitéré l’appel des dirigeants syndicaux à l’organisation d’un référendum sur le relèvement de l’âge légal de la retraite à 64 ans.
“Si le Parlement vote le texte, mais c’est loin d’être fait, il faudra en prendre acte”il reconnaît, tout en considérant que “en tout cas, tout le monde du travail rejette cette réforme”.
“Si la loi est adoptée sans tenir compte de l’expression du mouvement social, on ne se retrouvera pas, le lendemain matin, à discuter comme si de rien n’était”il a prédit. “Je n’ai jamais toléré la violence. Après, ce sera peut-être une conséquence malheureuse face au mépris auquel nous sommes confrontés. Il y a un ressentiment très profond dans le monde du travail »il prévient.
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