Virginie Lahaye est chef de la brigade des stupéfiants de la préfecture de police de Paris. Elle explique, dans un entretien avec Monde, les spécificités de la lutte contre le trafic de crack.
Quelles sont les particularités du crack, parmi les trafics de drogue ?
C’est un trafic singulier, conduit par des micro-réseaux au plus près des consommateurs. Il suffit d’un “cuisinier” [en charge de préparer les doses à partir d’une base de cocaïne] et un commercial pour approvisionner les clients, sous une forme de circuit court, sans problèmes logistiques majeurs. Ce trafic, à la fois peu coûteux mais très important, se situe principalement au nord de Paris et en Seine-Saint-Denis. Une “cuisine” peut se composer uniquement d’une tasse, d’une cuisinière et d’une casserole.
Certainement, le chiffre d’affaires n’est pas extraordinaire, car un “caillou” n’est pas très cher (environ 10 euros), mais c’est un petit commerce qui marche très bien. Les vendeurs proposent parfois des doses gratuites au départ pour gagner la clientèle qu’ils savent entretenir, tant le produit est addictif.
Quelles sont les conséquences sanitaires et sociales de ce trafic ?
Le crack porte bien son surnom de “cocaïne du pauvre”. On peut l’avoir pour très peu d’argent, mais c’est les conséquences physiques et mentales sont désastreuses et conduisent à une désocialisation rapide. C’est un produit très addictif qui conduit très vite à une consommation problématique ; une prise dont il est particulièrement difficile de sortir. Sa consommation a pour corollaires l’agressivité, la mendicité et la prostitution. Nous sommes confrontés à des situations particulièrement difficiles à gérer, où des personnes sans moyens financiers sont prêtes à se prostituer ou à commettre des agressions pour payer leur prochaine dose.
Le crack est aussi l’un des rares trafics où l’on trouve des pièces lors des recherches. Il y a peu de saisies d’avoirs criminels par rapport aux autres trafics de drogue.
Quel est le lien entre les réseaux vendant du crack et ceux importateurs de cocaïne ?
C’est le jour et la nuit quand il s’agit d’organisation. Le trafic lié à l’importation de cocaïne est d’une tout autre ampleur. Concernant la fourniture de cocaïne destinée au crack, un produit de haute qualité, au niveau de pureté maximum, est exigé, arrivant directement du producteur. L’utilisation de « mules » est ainsi privilégiée, avec des contrebandiers partant du Suriname, de la Guyane ou des Antilles. La drogue peut être transportée en métropole dans des valises, sur des passagers (dans des semelles, des rembourrages de vêtements, etc.) ou encore ingérée sous forme d’œufs.
Il vous reste 53,26% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.