Les banques centrales, un rempart de plus en plus actif contre les défaillances des marchés financiers

Et au final, ce sont les banques centrales qui viennent à la rescousse, comme toujours. La faillite de Silicon Valley Bank (SVB) le vendredi 10 mars, ainsi que celle de Signature Bank le même jour, ont provoqué le déclenchement d’une panique financière que seule l’intervention de la Réserve fédérale américaine (Fed) a pu contenir. D’une part, les autorités américaines ont décidé de garantir tous les dépôts dans ces deux banques, bien au-delà des limites légales en place. En revanche, et c’est radicalement nouveau, toutes les autres banques américaines bénéficieront pendant un an d’une ligne de crédit auprès de la Fed à des conditions extrêmement favorables. L’intervention a évidemment eu l’effet escompté : mardi 14 mars, la plupart des bourses mondiales ont rebondi et la volatilité a été réduite.

“La Fed a, une fois de plus, sorti l’artillerie lourde”souligne l’économiste Véronique Riches-Flores. “C’est une forme de capitalisme d’Etat, ajoute Ludovic Subran, chef économiste chez Allianz, un assureur. Mais les banques centrales sont dans leur rôle. » Richard Portes de la London Business School estime que la banque centrale américaine n’avait pas le choix : «Laisser SVB faire faillite n’aurait pas été réaliste. L’effet de contagion au reste du système bancaire aurait pu être considérable. »

La décision de la Fed, d’un point de vue technique, mérite d’être détaillée pour en comprendre l’ampleur. Normalement, lorsqu’un établissement bancaire se refinance auprès d’une banque centrale (ce qui est une opération de routine), il doit fournir des garanties, sous forme de « collatéral ». Plus ceux-ci sont bons, plus le prêt qu’elle peut obtenir est important. Le plus souvent, les banques proposent donc des obligations d’Etat, considérées comme les actifs les plus sûrs.

Une “subvention énorme”

Jusqu’à présent, ces obligations étaient acceptées par la banque centrale à leur valeur de marché. Cependant, leur valeur s’est effondrée au cours de la dernière année, en raison de la flambée des taux d’intérêt (la valeur des obligations évolue à l’inverse des taux d’intérêt). Pour contourner ce problème, la Fed a décidé de les accepter… à leur valeur nominale. “C’est une décision radicale, qui bouleverse des décennies de consensus dans le monde des banques centrales”, souligne Daniela Gabor, spécialiste des banques centrales à l’Université de West of England, à Bristol. Selon elle, cela équivaut à un “une énorme subvention” au système bancaire américain.

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Pour expliquer la ramification de cette nouvelle décision, M.moi Gabor prend l’exemple de la crise grecque. « À l’époque, la Banque centrale européenne acceptait les obligations grecques à 50 % de leur valeur nominale. » Cela a rendu le financement des banques grecques beaucoup plus difficile. « Imaginez une seconde que Jean-Claude Trichet [président de la BCE jusqu’en 2011] dit aux banques grecques qu’il accepterait les obligations à leur valeur nominale. La zone euro serait très différente aujourd’hui… » M. Portes, qui soutient l’intervention de la Fed, reconnaît lui-même une certaine surprise face à cette générosité : « La Fed a vraiment signé un chèque en blanc. »

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