Les bulles font des ravages dans les fluides et les laboratoires

Enfin un mystère majeur de la science quotidienne qui s’éclaircit. Dans une flûte à champagne ou même en versant de l’eau d’une carafe dans un verre, la remontée des bulles à la surface n’est souvent pas linéaire. Les chapelets de bulles se balancent, zigzaguent, tournent même en spirale à mesure qu’ils s’élèvent. Cette danse avait même intrigué au XVe siècle Léonard de Vinci, qui l’avait dessiné dans ses carnets. Depuis lors, les explications convaincantes de cet effet étrange ont fait défaut.

Tout comme il y avait un manque d’expériences claires pour le mettre en évidence. Ce n’est qu’en 1995 que Paul Duineveld, de l’Université de Twente (Pays-Bas), observe le balancement des bulles dans une eau débarrassée de toutes impuretés, auxquelles on attribuait généralement les zigzags des bulles. De plus, l’expérience a apporté une surprise : les petits ballons à air ne tournent droit que si leur diamètre est inférieur à 1,8 millimètre.

Le 10 mars, dans le Journal of the American Academy of Sciences, PNASune équipe française de l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse explique non seulement cette taille critique, mais aussi le scénario de la montée tortueuse des bulles.

Fin de l’histoire ? Peut-être pas, car cet article est une réponse polie mais ferme à un article publié par ce même journal, le 17 janvier, avec une tout autre explication. ” Nous on arrive à la même taille critique. Mais divergeons sur l’origine principale du phénomène »résume Jacques Magnaudet, responsable de l’équipe toulousaine, qui étudie la danse bulle depuis près de vingt ans. “Nous ne sommes pas du tout d’accord avec eux concernant le scénario”répondu séparément à Monde les deux auteurs de l’article de janvier, Jens Eggers (Université de Bristol) et Miguel Herrada (Université de Séville).

Différentes hypothèses

Trois hypothèses s’affrontent pour déstabiliser la montée rectiligne des bulles. Il y a d’abord celle qui permet à une balle en rotation d’adopter une trajectoire courbe. On parlera d’instabilité de sillage en référence aux effets de l’air le long des parois et derrière l’objet.

Ensuite il y a celle impliquant la déformation de la bulle dont la paroi se gonfle et se dégonfle lors de la remontée. Enfin il y a celle dite du couplage fluide-objet, qui considère que la bulle est un objet libre de se déplacer dans un fluide : le fluide perturbe l’objet qui lui-même perturbe le mouvement du fluide.

En 2002, Jacques Magnaudet a réalisé des simulations numériques qui ont montré que l’effet de sillage existe pour les bulles. L’apparition de tourbillons en aval crée une instabilité et une force qui dévie la montée de la bulle. Les calculs prédisent que cela ne se produit que pour les bulles au-dessus d’un certain seuil, environ 20 % au-dessus du diamètre observé de 1,8 millimètre. “Pendant dix ans, j’ai cru que nous avions résolu le problèmese souvient de Jacques Magnaudet. Mais c’était faux. Le rayon critique était trop grand et surtout la trajectoire induite n’était pas en zigzag mais en « crabe ». »

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