Après avoir adopté deux versions différentes du texte, députés et sénateurs cherchent un terrain d’entente sur le projet de loi Descrozaille, fermement rejeté par la grande distribution.
Scandale inflationniste ou nécessaire pour sauver les entreprises ? Objet d’une bataille médiatique acharnée entre la grande distribution et l’industrie agro-alimentaire, le projet de loi Descrozaille poursuit son chemin. Porté par des députés de la majorité présidentielle, malgré les réticences du gouvernement, ce projet de loi veut modifier le rapport de force dans les négociations commerciales entre distributeurs et industriels.
Après avoir été adopté et révisé par l’Assemblée nationale, puis à son tour par le Sénat, le projet de loi arrive ce mercredi en commission paritaire. Députés et sénateurs tenteront de se mettre d’accord sur une version commune. Mais chaque chambre a ajouté ses propres mesures, en a réaménagé d’autres, en a même supprimé certaines, et les deux versions du texte ne se ressemblent plus beaucoup.
• Quelle est cette facture ?
Le projet de loi Descrozaille vise à rééquilibrer les négociations commerciales entre distributeurs et industriels, encadrées par la loi, en donnant plus de poids aux industriels. Mais l’article 3 a provoqué la colère de la grande distribution : en cas de non accord, ce seraient les tarifs réclamés par les fabricants qui seraient appliqués par défaut et les distributeurs seraient ainsi contraints d’accepter les hausses de prix demandées. par leurs fournisseurs.
Le projet de loi propose également de prolonger l’expérimentation sur l’encadrement des promotions et le relèvement du seuil de revente à perte (qui oblige les distributeurs à vendre les produits alimentaires avec une marge minimale de 10%). Prévue par la loi Egalim, cette expérimentation expire le 15 avril. En outre, le texte entend appliquer le droit français aux grandes centrales d’achat qui ont été implantées hors de France par des distributeurs.
• Que demandent les députés ?
L’article 3 était au cœur des débats à l’Assemblée nationale. En commission des affaires économiques, tout d’abord, les députés se sont donné un mois supplémentaire, sous l’égide d’un médiateur, pour trouver un terrain d’entente. Puis un tournant inattendu lors de l’examen en session, avec le député Frédéric Descrozaille qui a lui-même revu sa mesure : en cas d’échec des négociations au bout de trois mois, et d’une médiation dans laquelle le ministère de l’Économie, les relations commerciales seraient rompues sans engagement de livraison.
Les députés ont également ajouté de nouvelles mesures, absentes dans la version initiale du texte. Cela comprend notamment le plafonnement des pénalités logistiques infligées par un distributeur à son fournisseur à 2% de la valeur des produits.
• Que demandent les sénateurs ?
Les sénateurs ont également retravaillé l’article 3 dans leur version du texte : une médiation serait obligatoire avant de saisir un juge si le fabricant et le distributeur n’arrivaient pas à s’entendre, afin de limiter les déremboursements. Le Sénat a également exclu les fruits et légumes du cadre des promotions et du seuil de revente à perte, et sanctuarisé les matières premières agricoles dans les négociations portant sur la MDD, et non plus uniquement sur les marques nationales.
Sans oublier un changement très symbolique : les sénateurs ont changé le nom officiel du projet de loi, désormais appelé « proposition de renforcement de l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ».
• Que se passe-t-il ce mercredi ?
Le texte arrive en commission mixte paritaire (CMP) ce mercredi 15 mars. Cette procédure législative consiste à réunir sept députés et sept sénateurs pour établir une version commune d’un projet de loi, après deux lectures du texte par chaque assemblée – ou une lecture unique si le gouvernement a engagé la procédure accélérée, comme c’est le cas pour le projet de loi Descrozaille. S’ils parviennent à s’accorder sur une version commune, le texte sera voté par les deux chambres ; sinon, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
• Le projet de loi passera-t-il ?
Malgré quelques aménagements, députés et sénateurs se retrouvent peu ou prou sur les mesures relatives aux sanctions logistiques ou aux centrales d’achat à l’étranger. Encadrement des promotions, seuil de revente à perte ou sanctuarisation des matières premières agricoles ne devraient pas non plus déchirer les deux chambres. Le cœur des discussions sera l’article 3, d’autant plus qu’il y aura une forte pression pour réviser cette mesure. Sans oublier le nom officiel de la loi, les deux assemblées n’ayant pas proposé la même.