Cécile Duflot se souvient “des affiches avec [sa] chef dans les agences immobilières de la Fnaim ». En 2013, ministre (Europe Écologie-Les Verts) du Logement, elle a défendu devant les parlementaires le plafonnement des loyers, inscrit dans son projet de loi Accès au logement et urbanisme rénové (ALUR), pour contrer leur envolée dans les métropoles. A l’Assemblée nationale, la droite s’enflamme contre un “atteinte à la liberté contractuelle”.
Le président de la République, François Hollande, qui avait pourtant fait de cette mesure réglementaire un engagement de campagne, semble lui-même avoir hésité face à l’obstacle. En Conseil des ministres, le chef de l’Etat aurait déclaré : « Le contrôle des loyers est-il vraiment une bonne chose ? »dit Cécile Duflot dans son livre De l’intérieur : Voyage au pays de la désillusion (Fayard, 2014).
Dix ans ont passé et les temps ont changé. Aujourd’hui, face à la crise du logement dans des quartiers tendus, ce sont des élus locaux étiquetés de droite qui demandent une régulation des loyers. Comme à Annemasse (Haute-Savoie). Première étape : l’agglomération a voté, en septembre 2022, la création d’un observatoire des loyers, avec ses voisines Thonon Agglomération et Grand Annecy. « Il y avait eu une réflexion sur le sujet en 2019, mais la mesure était perçue comme essentiellement idéologique, et cela dérangeait les lobbies immobiliers, les propriétaires, les élus.estime Gabriel Doublet, président d’Annemasse Agglo, ex-Union des démocrates et indépendants (UDI) passé dans Horizons, le parti d’Edouard Philippe. Mais le logement est devenu le problème numéro un du territoire. Apparence l’idéologie a été évacuée : on a refait le tour de table il y a quelques mois et tout le monde avait évolué. » Deux mois plus tard, en novembre 2022, l’élu de Haute-Savoie sollicite le dispositif auprès du ministère du Logement, mettre en place un contrôle des loyers. Il aimerait commencer ” dès que possible “.
Collée à la Suisse, Annemasse vit dans l’ombre de Genève, hyper attractive pour les frontaliers côté français, avec son Smic à 4.400 euros. Conséquence : les propriétaires louent à des prix exorbitants, basés sur le pouvoir d’achat des « pendulaires » qui partent chaque matin travailler du côté suisse. Le loyer médian de l’agglomération est devenu l’un des plus élevés des villes françaises, derrière Paris et Nice-Côte d’Azur.
Le territoire attirant aussi des travailleurs en difficulté venus de toute la France, désireux de tenter leur chance de l’autre côté de la frontière, des marchands de sommeil se sont engouffrés dans la brèche. “El Dorado n’est pas pour tout le monde, tout le monde ne trouve pas un emploi en Suisse”alerte-t-on au siège d’Annemasse Agglo, qui évalue à 30% la part des ménages exclus du marché locatif privé.
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