Prix de l’énergie, guerre en Ukraine, Covid… L’Opéra de Lyon fête trente ans de sa rénovation dans l’austérité mais sans annulations comme les autres opéras. Le point avec Richard Brunel, son directeur.
L’Opéra de Lyon, qui fête cette année les trente ans de son audacieuse rénovation par Jean Nouvel et les quarante ans de la création de son orchestre, “faire des contorsions” pour résister à la crise qui touche le monde de l’opéra. “La saison prochaine tient le coup. Je ne vais pas être obligé, comme certains collègues, d’annuler, d’abandonner… Je fais des contorsions”raconte Richard Brunet, le directeur de l’Opéra, dans une interview à l’AFP.
Compressions budgétaires
A son arrivée à la tête de l’établissement, en novembre 2019, cet homme de 51 ans “ne s’attendait pas du tout à vivre une succession de crises, le Covid, l’inflation, la guerre en Ukraine”avec “ses conséquences énormes sur les liens avec la Russie sur le plan artistique” et sur les prix de l’énergie. Si la fréquentation n’est pas revenue au niveau global d’avant la crise sanitaire, l’Opéra a également subi deux coupes budgétaires de 500.000 euros, l’une décidée en 2021 par la nouvelle équipe municipale écologiste, l’autre par le conseil régional LR Laurent Wauquiez en 2022.
Si d’autres maisons d’opéra ont annoncé des annulations de spectacles ou des fermetures temporaires ces derniers mois, Richard Brunel “ne souhaite pas baisser le nombre de levers de rideau” Et “veut offrir le même service public aux spectateurs”garder un “dimension européenne” avec des invitations d’artistes, de chefs et de réalisateurs du monde entier. Le choix est alors de “faire moins de nouvelles productions”, de réfléchir aux formats, de “recycler” œuvres privées de public en raison du confinement, pour développer les coproductions et reprendre les productions “déclassé”comme Elias de Mendelssohn, acheté dans un théâtre de la capitale autrichienne Vienne pour la saison prochaine.
Nouveaux formats, nouveaux publics
Concernant le nouveau format, Richard Brunel cite Zylan ne chantera plusUN “monodrame” sur le destin d’un jeune chanteur homosexuel devenu pop star dans un pays autoritaire. Composée par la Singapourienne Diana Soh pour un ténor et trois musiciens (guitare électrique, violoncelle, percussions), cette création a été conçue pour “circuler dans des endroits où l’opéra ne va pas”. Le patron de l’Opéra se défend en même temps “pouvoir émotionnel” grandes œuvres: “Le Tanhäuser Pilgrims’ Choir c’était 200 personnes sur scène tous les soirs, je peux vous dire que ça vous a scotché à votre siège !”dit-il en référence à l’opéra de Richard Wagner.
A ceux qui décrivent l’opéra comme un art conservateur prisé d’un public urbain, aisé et âgé, il répond par des chiffres : 40% de nouveaux publics, au moins 25% de spectateurs de moins de 29 ans. Et il met l’accent sur les programmes téléspectateurs “géographiquement gêné, socialement éloigné”tarifs “très bon marché”tournées en dehors de Lyon, actions dans des lycées ou dans des maisons de retraite. “Les baisses de subventions sont néfastes mais je veux dialoguer avec nos bailleurs de fonds. (…) On peut trouver des terrains”dit-il en rappelant que l’opéra est “le premier employeur culturel de la région”avec 361 postes et plus de 110 ETP pour les intermittents.
“Le grille-pain”
A la recherche de nouveaux mécènes, la direction resserre ses coûts de structure, de la flotte de transport au nombre de photocopies, en passant par le recyclage des costumes et des décors, mais aussi le suivi rapproché des dépenses de chauffage. Des travaux sont menés depuis 2010 pour limiter les déperditions énergétiques dans l’immense bâtiment d’un volume de 77 100 m3 pour une surface de 14 800 m2. Mais cela n’empêchera pas la facture énergétique de passer de 300 000 euros à 1,1 million.
L’opéra néoclassique construit en 1831 a été rénové par Jean Nouvel et inauguré en 1993, après des années de polémique politique, financière et esthétique. À l’époque, “certains l’avaient surnommé le grille-pain”, sourit Richard Brunel, en référence à la coupole de verre et de métal conçue au crépuscule des grands travaux initiés par le président socialiste François Mitterrand, quand l’argent de la culture coulait encore à flots. Le dôme se voit de loin, “les soirs d’activité, ça s’illumine et c’est comme une sorte de cœur qui bat dans la ville”, précise-t-il. Citant Jean Vilar, il se dit convaincu que l’art est “une nourriture aussi essentielle à la vie que le pain et le vin”.