Malgré des niveaux de prix élevés, la France reste un grand consommateur de pétrole

A l’occasion de son bilan annuel, l’Union française des industries pétrolières indique que la baisse de la consommation française de pétrole est trop lente par rapport aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

La France est encore loin de ses objectifs de réduction de sa demande en produits pétroliers. C’est l’un des principaux enseignements de la conférence annuelle de l’Union française des industries pétrolières, énergies et mobilités (Ufip EM) qui s’est tenue ce jeudi.

“Prix du pétrole relativement élevés”

L’année 2022 aura été marquée par un niveau élevé du prix du baril de Brent qui se sera établi à 101 dollars en moyenne sur l’année, contre 70 dollars en 2021, avec notamment un pic à 123 dollars en juin. Dans ce contexte de forte volatilité liée à la guerre en Ukraine, les marges brutes de raffinage ont explosé à partir de mars : de 14 euros le litre en 2021, elles se sont établies à 101 euros en 2022 avec un pic à 189 euros le litre en octobre.

« Du coup, il y a eu une crainte sur les marchés que la politique du zéro Covid en Chine conduise à un effondrement de la demande chinoise de pétrole, rappelle le président du syndicat professionnel Olivier Gantois. A cause de cette guerre entre la Russie et l’Ukraine, nous restons dans des prix du pétrole relativement élevés et il ne faut pas espérer que cela changera tant que durera la guerre.

La demande baisse mais pas assez

Avant Covid, la demande annuelle de la France en produits pétroliers était de 73 millions de tonnes. Après une baisse due à la pandémie, elle est remontée à 69 millions de tonnes en 2022, ce qui représente une baisse d’environ 5 %.

Cependant, si l’on tient compte de la seule demande du secteur aérien qui n’a pas encore complètement retrouvé ses niveaux d’avant Covid, cette baisse est d’environ 3 %. “Le programme pluriannuel de l’énergie publié en 2020 prévoit une réduction annuelle de 5% par an de chaque énergie fossile d’ici 2028, mais la France ne réduit sa demande en produits pétroliers que de 1% par an”, indique Olivier Gantois qui prédit que le pétrole restent la première énergie consommée en France en 2022 (en 2021, les produits pétroliers représentaient 41 % de l’énergie finale consommée dans le pays).

“La chute de la demande doit être plus importante, mais ce n’est pas en tarissant l’offre qu’on tarira la demande : on ne fera que produire du chaos et des problèmes sociaux difficiles à gérer”, prévient Olivier Gantois.

Dans le détail, la consommation totale de carburants routiers a augmenté de 2,2 % sur un an mais reste en baisse de 1,6 % par rapport à 2019. Par rapport à 2021, les livraisons d’essence sans plomb ont augmenté de 11 % alors que celles de gazole ont baissé de 0,4 %. Olivier Gantois y voit “un mouvement de fond”: “Sur les immatriculations de véhicules légers neufs, les moteurs diesel représentaient 16% en 2022. C’est structurel et donc il y a un impact sur la demande de sans plomb.” Cet écart s’explique par une forte hausse du prix du gazole à partir de mars dernier, qui a fini par rattraper l’écart avec le sans plomb malgré une différence de taxe de 10 centimes entre les deux produits.

“Sans les remises sur le carburant de l’Etat, nous aurions été au-dessus des 2 euros le litre pendant une grande partie de 2022”, note le spécialiste.

Une baisse de 40% de la demande de produits fossiles d’ici 2035

Un projet de loi devrait être déposé avant la fin de l’année dans le cadre d’une révision de la Stratégie Energie-Climat avec pour objectif de réduire de 35% la consommation d’énergies fossiles en 2028 par rapport à 2012. A cet égard, l’Ufip EM a demandé aux experts de IHS envisage de réaliser une étude qui anticipe une baisse de la demande en produits fossiles de 40% d’ici 2035.

Cette baisse sera particulièrement marquée dans le diesel et s’accompagnera d’un rééquilibrage progressif entre les marchés de l’essence et du diesel. Par ailleurs, la demande de combustibles fossiles pour l’aviation et de produits pétroliers non énergétiques (naphta pour la pétrochimie, lubrifiants, bitume) devrait être stable.

Mais cette baisse de la demande doit être complétée par une électrification des usages et des évolutions en ce sens sont déjà à l’œuvre. La transition du parc de véhicules légers vers l’électrique se poursuit avec 1,1 million de véhicules électriques et hybrides rechargeables recensés à la fin de l’année dernière : en 2022, ces types de véhicules représentaient 23 % des immatriculations.

« Il restera une très grande proportion de véhicules thermiques en circulation en 2035, prédit Olivier Gantois. Ce n’est qu’à partir de 2050 qu’il y aura pratiquement disparition des véhicules thermiques, d’où notre responsabilité de développer l’infrastructure de recharge.

A ce niveau, les objectifs du gouvernement ne sont pas encore atteints avec seulement 80 000 terminaux au lieu des 100 000 souhaités. En revanche, toutes les stations-service d’autoroute devraient être équipées de bornes de recharge dans les prochaines semaines, alors que 78% d’entre elles l’étaient en décembre.

Développer la production de carburants liquides bas carbone

Surtout, le secteur devra amorcer une décarbonation rapide des transports, notamment à travers une accélération dans le domaine des carburants liquides décarbonés (CLBC). Afin de respecter les obligations d’incorporation, leur production devra doubler en un peu plus de 10 ans, passant de 4 à 8 millions de tonnes annuelles en 2035.

Qu’ils soient des biocarburants de première génération, avancés (issus de matières premières), synthétiques ou encore ceux fabriqués à partir de carbone recyclé, les CLBC ont l’avantage de réduire l’empreinte carbone de 75 à 90 % par rapport aux carburants fossiles. Ils devraient bénéficier d’une large part des 20 à 45 milliards d’euros d’investissements prévus d’ici 2035.

D’autre part, la production de ces CLBC nécessite des besoins supplémentaires en matières premières. “Des biocarburants supplémentaires seront produits à partir de ressources existantes ou nouvelles de matières premières renouvelables et durables d’origine agricole ou forestière ou issues de graisses ou de déchets animaux”, détaille l’Ufip EM, qui précise que 11,2 millions de tonnes de matières premières non alimentaires seront nécessaires d’ici 2035, ce qui correspond à moins de 15 % de la ressource disponible.

De son côté, la production de carburants de synthèse utilisera de l’hydrogène renouvelable et décarboné : “pour la production d’hydrogène par électrolyse seule, les quantités d’électricité renouvelable ou décarbonée nécessaires sont estimées à 55 TWh en 2035, soit environ un quart de la production d’électricité renouvelable.

Pour avancer dans cette direction, le secteur s’appuie de plus en plus sur des plateformes industrielles bas carbone. De même, elle peut s’appuyer sur plusieurs projets industriels annoncés ou même déjà démarrés en France, comme les plateformes de Grandpuits et de La Mède pour les biocarburants. Concernant l’hydrogène décarboné, le projet Masshylia est prometteur, tout comme le projet d’installation de 100 stations hydrogène pour les poids lourds. Enfin, l’Axe Seine sera une référence en matière de technologie CCUS (captage, valorisation et stockage du CO2) tout comme la future usine Plastic Energy de Port-Jérôme en matière de recyclage.

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