Interniste et chercheur, le professeur Jean-Benoît Arlet travaille au service de médecine interne de l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (AP-HP).
Comment définissez-vous la fatigue et comment la mesurez-vous ?
En tant que médecin, nous ne définissons pas académiquement la fatigue, ou l’asthénie, car nous considérons qu’il s’agit d’un ressenti du patient. La question que nous posons est : « Êtes-vous fatigué ? Vous manquez d’énergie ? C’est subjectif, pas forcément médical. Mais les gens sont bons pour nous dire s’ils se sentent fatigués selon leurs propres normes. Idem pour l’évaluation : ce sont les principaux intéressés qui peuvent décrire l’impact de la fatigue sur leurs activités quotidiennes, notamment au travail, et préciser ce qu’elle les empêche de faire ou, au contraire, ce qu’elle les oblige à faire. à faire : sieste, se coucher plus tôt, etc. Il existe des échelles pour quantifier la fatigue, mais on ne les utilise pas en routine, elles sont surtout utiles dans le cadre de la recherche.
Quelle est votre approche face à un patient consultant pour ce symptôme ?
La question du sommeil est importante à se poser, car elle peut donner des informations sur l’intensité de la fatigue, ou sa cause. Un mauvais sommeil ou des nuits trop courtes sont une cause évidente d’asthénie diurne, mais les patients ne font pas toujours le lien, ou ne veulent pas le reconnaître. Après avoir éliminé les causes évidentes liées à ses antécédents ou à ses traitements, le patient doit alors être interrogé sur la présence d’autres symptômes. Rappelons qu’en médecine la fatigue fait partie des quatre signes généraux qu’il faut systématiquement rechercher, avec l’anorexie, la perte de poids et la fièvre. Nous utilisons l’expression « signes généraux » car ces symptômes ne sont pas liés à un organe en particulier.
“La fatigue étant un symptôme fréquent et sans traitement spécifique, il existe un marché de charlatans, tant en termes de pseudo-médicaments que d’examens complémentaires loufoques”
Lorsque la fatigue est associée à un manque d’appétit et à une perte de poids conséquente, c’est un drapeau rouge. Cela peut nous conduire notamment à la dépression, ou au cancer. S’il y a de la fièvre en plus, on peut entrer dans d’autres gammes de diagnostics – maladies infectieuses, mais aussi maladies inflammatoires, auto-immunes, cancers du sang comme les lymphomes… –, sachant que dans ces pathologies la fièvre n’est pas toujours présente. L’interrogatoire doit également rechercher des signes dits fonctionnels, évoquant des lésions d’organes : douleurs, dyspnée [difficultés à respirer]toux ou encore troubles digestifs ou urinaires.
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