Réforme des retraites : comment les républicains ont piégé Élisabeth Borne

LUDOVIC MARIN / AFP Éric Ciotti, président des Républicains, photographié le 15 mars à l’Assemblée nationale (illustration)

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Éric Ciotti, président des Républicains, photographié le 15 mars à l’Assemblée nationale (illustration).

POLITIQUE – C’est l’un des éléments de langage les plus utilisés en Macronie depuis l’usage du 49.3 sur la réforme des retraites : si le gouvernement doit passer en force, c’est à cause des Républicains. Ou plutôt, des députés LR, car la droite sénatoriale a voté deux fois pour le projet gouvernemental déclarant le report de l’âge légal à 64 ans.

A 20 heures sur TF1 ce jeudi, Elisabeth Borne a fustigé les élus LR hostiles à la réforme, les accusant d’avoir joué “une carte personnelle, en contradiction avec ce que les républicains portent depuis des années et aussi en contradiction – pour certains – avec ce qu’ils proposaient il y a quelques mois”. Des accusations qui font déjà bondir les intéressés.

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Un mensonge : la réforme des retraites n’est pas passée à cause des abstentions de députés de sa propre majorité », a répliqué sur Twitter le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont, relayant une information de RMC selon laquelle des voix des groupes Renaissance et Horizons manquaient à l’appel. Beaucoup plus mesurée, et comptant parmi les pro-réformes du groupe, la députée du Doubs, Annie Genevard, dénonce également « un faux procès pointé vers la droite.

Dans différents groupes qui font partie de la majorité, il y a des groupes qui n’ont pas voulu voter donc c’est une excuse très commode pour accuser les républicains », a rétorqué à France Bleu le secrétaire général du parti de droite, rappelant que le choix de réformer via un projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale (PLFRSS) comportait dès le départ l’hypothèse 49.3. Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Un coup d’œil dans le rétroviseur s’impose.

Le pari “cohérence”

En décembre, Les Républicains élisent leur nouveau président, après une campagne marquée notamment par l’émergence d’Aurélien Pradié, tenant d’une ligne » social », loin des logiciels de ses deux concurrents : Éric Ciotti et Bruno Retailleau. C’est le député des Alpes-Maritimes qui est choisi, dans un contexte où le rassemblement de sa famille politique semble fragile. Déjà, Aurélien Pradié prévient : « JeJe ne suis pas homme à marchander ».

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A défaut de majorité absolue, Elisabeth Borne n’a pas vraiment le choix. Elle doit s’entendre avec Les Républicains pour faire passer la réforme des retraites, la formation de droite ayant toujours plaidé pour le report de l’âge légal. En Macronie, on croit que le ” cohérence » Va finir par s’imposer aux 61 députés LR qui siègent au Palais Bourbon. Après tout, ces élus n’ont-ils pas fait campagne pour Valérie Pécresse, qui a proposé la retraite à 65 ans ?

Les négociations commencent, et Matignon organise des rencontres avec les élus LR, Éric Ciotti, Bruno Retailleau mais aussi Olivier Marleix, président du groupe de droite à l’Assemblée. Il est temps de ” co-construction ” et la droite est fière d’avoir posé son ” conditions à Elisabeth Borne. Le Premier ministre accepte, et le président des Républicains se vante d’un ” juste réformer “. Le plan semble fonctionner.

Mais seulement en apparence. Car rapidement, les divisions de la droite viennent contrecarrer ce calcul. Une cacophonie s’installe, ce qui irrite la Macronie. Soucieux de maintenir un semblant d’unité, Les Républicains allongent finalement leur cahier de revendications, notamment sur les carrières longues. Elisabeth Borne semble y répondre. Une double erreur. Non seulement le dispositif présenté est illisible, mais il donne l’impression d’un Premier ministre prêt à tout pour assurer le vote de la droite.

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Cela renforce mécaniquement la position d’Aurélien Pradié et celle de sa cohorte de députés inflexibles aux carrières longues. La pression monte sur le député du Lot, accusé de jouer un numéro de soliste et de faire vivre en interne le courant de Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France dont les intentions sont toujours jugées suspectes rue de Vaugirard. Le jeune élu s’en fout, et reste sur sa ligne.

Des « dindes de la farce » et une sanction inefficace

Éric Ciotti croit alors siffler la fin de la récréation et débarquer Aurélien Pradié de son poste de numéro 2 du parti. Ce qui produit en fait l’effet inverse, le sanctionné a bon jeu pour affirmer la primauté des convictions sur les avancements de carrière. Dans le même temps, les sondages négatifs s’enchaînent : les Français sont encore nombreux à s’opposer au texte.

Ce que les députés de droite entendent aussi dans la circonscription. Les rangs des LR réfractaires grossissent, celui des indécis aussi. Le début d’un effondrement du matelas de voix sur lequel reposait Elisabeth Borne. ” Plus le vote sera serré, moins il y aura de gens de notre région prêts à voter pour le texte. Hors de question d’apparaître comme celui qui a fait basculer le vote ou comme le sauveur du gouvernement. Le ‘name and shame’ a déjà commencé dans les circonscriptions”, expliqué mercredi à HuffPost un député LR pourtant engagé dans la réforme, mais qui s’apprêtait à s’abstenir » pour ne pas être le dindon de la farce “.

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Une lente érosion de la fiabilité du groupe LR sur son soutien à la réforme qui a laissé le Premier ministre sans solution en dehors de celle du passage en force. Ce qui, mécaniquement, réveille les divisions de la droite sur, cette fois, la possibilité de faire tomber Elisabeth Borne.

Alors que le patron du groupe LR Olivier Marleix et celui du parti, Éric Ciotti, s’opposent à cette hypothèse qui, selon eux, ajouterait « d’une crise politique à une crise sociale », la même troupe d’élus réfractaires à la réforme s’interroge tout haut sur la possibilité de voter une motion de censure. Il faudrait une trentaine de voix LR pour provoquer la démission d’Elisabeth Borne. C’est précisément ce qui lui manquait pour faire passer son texte.

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