Au terme d’un débat de dix jours et autant de nuits qui aura particulièrement secoué un Sénat peu habitué aux séances chaotiques, les sénateurs ont fini par adopter la réforme des retraites en première lecture, tard dans la soirée du samedi 11 mars. Au Palais du Luxembourg, dominé par la droite et le centre, le projet de loi portant financement rectificatif de la Sécurité sociale, qui prévoit notamment le relèvement de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, a été voté par 195 voix contre 112, et 37 abstentions.
Pour l’exécutif, cette adoption permet de conférer une légitimité parlementaire à un texte décrié par l’opinion publique, rejeté par l’intersyndicale et qui n’a pu être voté par l’Assemblée nationale. “J’ai le sentiment de présider une institution qui a joué son rôle avec engagement et responsabilité, dans l’intérêt du pays et des Français”, a salué à l’issue des débats le président Les Républicains (LR) du Sénat, Gérard Larcher.
Mais à quel prix ? Si la Première ministre, Elisabeth Borne, a souligné, samedi soir, une “Une étape importante qui a été franchie”convaincu qu’il “il y a une majorité au Parlement” sur sa réforme, le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, y voit, lui, “Une victoire à la Pyrrhus” de l’exécutif et de la majorité sénatoriale. Dans son viseur, l’utilisation, vendredi, par le ministre du Travail, Olivier Dussopt, de l’article 44 alinéa 3 de la Constitution, avec l’assentiment de M. Larcher, et des présidents des groupes LR et Union centriste (UC), Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
« Notre réforme », dit Retailleau
Avec cette soi-disant disposition de « vote unique » sur l’ensemble du texte qui restreint la prise de parole, l’exécutif entendait contourner le millier d’amendements restants des sénateurs et leur obstruction qui mettait en péril la tenue d’un vote sur l’ensemble du texte. Avec le recours à l’article 47.1 de la Constitution par le gouvernement, les sénateurs avaient jusqu’au dimanche 12 mars à minuit pour examiner la réforme.
Durant ces dernières heures de débat neutralisé par le recours au 44.3 et autres dispositions du règlement sénatorial, la gauche a néanmoins maintenu jusqu’à la dernière minute la présentation de ses derniers amendements dans l’hémicycle pour dénoncer le ” mépris ” du gouvernement. “La pièce jouée au Sénat est un dangereux précédent pour la démocratie parlementaire et pour la confiance de la population dans la démocratie représentative”, a déclaré samedi soir depuis la tribune, la sénatrice écologiste du Rhône Raymonde Poncet-Monge. ” Vous êtes de mauvais perdants », répondit M. Retailleau.
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